La Jordanie s'est déclarée mercredi prête à libérer une détenue irakienne en échange d'un pilote capturé par le groupe armé État islamique (EI) qui menace de le tuer ainsi qu'un otage japonais, mais elle a exigé des preuves qu'il est toujours en vie.

Dans une vidéo diffusée mardi, l'EI a averti qu'il exécuterait dans les 24 heures le pilote jordanien Maaz al-Kassasbeh et l'otage Japonais Kenji Goto si la djihadiste Sajida al-Rishawi n'était pas libérée. Selon Tokyo, ce délai a expiré à 14 h GMT (9 h à Montréal).

Sur son compte Twitter, le ministre jordanien des Affaires étrangères Nasser Joudeh a affirmé à 14 h 50 GMT (9 h 50, heure de Montréal) : «Nous avons demandé depuis un moment des preuves que le héros Maaz est en vie et en sécurité, mais nous n'avons rien reçu».

Une heure plus tôt, vers 13 h 45 GMT (8 h 45 à Montréal), il a affirmé également sur son compte Twitter que la prisonnière irakienne n'avait pas été libérée. «Les informations sur une libération de Rishawi et son départ de Jordanie sont fausses. Nous avons dit dès le départ que sa remise en liberté était liée à la libération de notre fils Maaz».

«La Jordanie est tout à fait prête à libérer la prisonnière Sajida Al-Rishawi à condition que le pilote jordanien soit libéré sain et sauf», a déclaré de son côté le porte-parole du gouvernement Mohammad Al-Momeni, cité par la télévision d'État.

«Depuis le début, la position de la Jordanie a été d'assurer la sécurité de notre fils, le pilote Maaz al-Kassasbeh», a-t-il ajouté, sans faire mention de l'otage japonais.

Des sources officielles et militaires jordaniennes avaient souligné plus tôt que dans l'enregistrement, l'EI réclame la libération de l'Irakienne en échange de l'otage japonais, mais que le groupe djihadiste ne mentionne pas la libération du pilote. «En revanche, il menace de tuer les deux», selon ces sources.

Sajida al-Rishawi est condamnée à mort en Jordanie pour complicité dans des attentats ayant fait 60 morts à Amman en novembre 2005.

Un Japonais à Amman

Mardi soir, le père du pilote a exhorté les autorités à accéder aux demandes de l'EI, lors d'une manifestation à Amman de dizaines de membres des tribus de Karak (sud) dont il est originaire.

«Nous réclamons le retour de Maaz. Nous avons une seule requête, le retour de Maaz à n'importe quel prix», a dit Safi el-Kassasbeh.

Maaz al-Kassasbeh a été capturé le 24 décembre après l'écrasement de son F-16 au-dessus de la Syrie, où il menait un raid sur des positions de l'EI dans le cadre de la coalition internationale antidjihadistes. Kenji Goto est un journaliste indépendant, vraisemblablement retenu depuis fin octobre en Syrie.

En visite à Amman pour tenter de trouver une issue, le vice-ministre japonais des Affaires étrangères, Yasuhide Nakayama, a affirmé que les discussions se poursuivaient. «Nous ne renoncerons pas» à oeuvrer pour la libération des otages, a-t-il ajouté.

Dans une précédente vidéo publiée le 20 janvier, l'EI réclamait au Japon une rançon de 200 millions de dollars sous 72 heures pour relâcher Goto et un autre otage japonais, Haruna Yukawa. Faute d'avoir obtenu satisfaction, le groupe a annoncé samedi avoir exécuté Yukawa et réclame depuis la libération de la prisonnière irakienne.

«Sauvez la vie de Kenji»

À Tokyo, le premier ministre Shinzo Abe a jugé «ignobles» les menaces de l'EI. «Nous sommes dans une situation extrêmement difficile et j'ai demandé aux ministres d'agir de façon unie pour faire libérer au plus tôt M. Goto».

«M. le premier ministre, je vous en prie, sauvez la vie de Kenji, continuez de négocier avec le gouvernement de Jordanie», a supplié la mère de M. Goto, Junko Ishido.

Les nouvelles exigences de l'EI se présentent sous la forme d'une photo de Kenji Goto, tenant la photo du pilote jordanien. La voix supposée de M. Goto formule les menaces des ravisseurs.

Pour Hiroyuki Aoyama, de l'Université de langues étrangères de Tokyo, l'EI «enregistre des défaites sur le terrain et son emprise se réduit. Dans ce contexte, ces nouvelles revendications montrent l'intention de casser cette situation».

Pour les experts, la position d'Amman est de facto entre le marteau de l'EI et l'enclume de l'opinion publique - qui veut le pilote sans libérer l'Irakienne -, sous la pression du Japon - qui privilégie son ressortissant - et des États-Unis qui refuse de céder aux djihadistes.

PHOTO RAAD ADAYLEH, ASSOCIATED PRESS

Des manifestants brandissent des affiches du pilote jordanien pris en otage par l'EI.