Un Français de 22 ans a participé «directement» à la décapitation de prisonniers syriens par le groupe armé État islamique, a annoncé lundi Paris, mettant en lumière l'engagement de Français en Syrie où ils représentent l'un des plus gros contingents d'Européens.

Selon le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, il existe «une très forte probabilité qu'un ressortissant français ait pu participer directement» à la décapitation de prisonniers syriens montrée dimanche dans une vidéo du groupe EI. Le parquet de Paris a ensuite assuré que «des indices circonstanciés confirment l'implication d'un Français» dans cette exécution.

Sur les images, le groupe revendique également la décapitation de l'otage américain Peter Kassig en représailles à l'envoi de conseillers militaires américains en Irak.

Ce Français pourrait être «Maxime Hauchard, né en 1992» originaire d'un village du nord-ouest de la France et «parti en Syrie en août 2013 après un séjour en Mauritanie en 2012», a déclaré le ministre.

Le jeune homme «est visé depuis août 2014 par une enquête préliminaire pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», selon une source judiciaire.

Un haut responsable français de la lutte antiterroriste, qui a demandé à conserver l'anonymat, a confirmé à l'AFP qu'il s'agissait bien de Maxime Hauchard, apparu sur la vidéo en compagnie d'autres djihadistes étrangers.

«Leur faire faire ce genre d'horreur est à la fois un test - vont-ils en être capables? - et vise à les fidéliser au sein du groupe», a-t-il commenté. «Une fois qu'ils sont apparus commettant ce genre d'acte à visage découvert, il n'y a plus de retour en arrière possible. C'est une façon de les prendre eux aussi en otage».

Dans la vidéo diffusée par l'organe médiatique de groupes djihadistes Al-Furqan, on voit un djihadiste jeune et barbu, ressemblant fortement à Maxime Hauchard, vêtu comme ses compagnons d'un treillis de camouflage. Au milieu d'une file, il conduit de la main gauche un prisonnier au crâne dégarni avant de saisir un couteau de commando, pris dans un seau.

Puis les prisonniers sont alignés à genoux, un djihadiste derrière chacun d'entre eux. L'homme ressemblant à Maxime Hauchard porte un couteau dans la main droite et pose la gauche sur le col du prisonnier. On ne le voit pas exécuter son otage, mais on distingue ensuite la tête de sa victime détachée de son corps.

Selon Paris, il pourrait bien s'agir de l'homme ayant témoigné mi-juillet sur la chaîne BFM TV à visage découvert via Skype depuis Raqqa, fief du groupe EI en Syrie. Maxime Hauchard y racontait être parti en Syrie depuis Paris via Istanbul, après avoir acheté un billet «pas cher», sans prendre soin de se «cacher».



Converti à 17 ans à l'Islam, il expliquait s'être radicalisé avec des vidéos sur l'internet et affirme être parti seul puis avoir été rapidement pris en charge à son arrivée en Syrie. «Pour faire allégeance, il faut d'abord aller au camp d'entraînement (...) un premier stage, c'est à peu près un mois. On fait l'entraînement, on part en opérations et après on retourne à l'entraînement. C'est pas que de la théorie», déclarait-il.

Il affirmait vivre dans une caserne, abritant une quarantaine de combattants «principalement des Arabes», des Égyptiens, des Marocains, des Algériens, mais aussi des Français. «L'objectif personnel de chacun ici, c'est le chahid (celui qui tombe en martyr). C'est la plus grande récompense», assurait-il.

Un deuxième Français?

«Un second Français», outre Maxime Hauchard, pourrait figurer parmi les bourreaux du groupe djihadiste État islamique dans une «vidéo de propagande» diffusée dimanche montrant des décapitations, a déclaré lundi le procureur de Paris, François Molins.

La présence d'un «second Français» est «possible», mais reste à confirmer, a indiqué le procureur, en annonçant lors d'une conférence de presse l'ouverture par la justice française d'une enquête pour assassinat en bande organisée dans le cadre d'une entreprise terroriste. Cette enquête vise «les agissements de deux Français» pouvant être impliqués dans la décapitation de prisonniers par le groupe État islamique, a-t-il dit.

Un millier de Français sont actuellement impliqués dans le djihad en Syrie et environ 375 d'entre eux sont actuellement présents en Syrie et en Irak, faisant d'eux l'un des plus importants contingents occidentaux. Au moins 36 Français ont déjà trouvé la mort dans ces pays.

Au total, quelque 3000 ressortissants européens étaient à la fin septembre recensés dans la région pour y faire le djihad, selon le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove.

Un Britannique parmi les bourreaux?

Un Britannique de 20 ans pourrait également figurer parmi les djihadistes présents dans la nouvelle vidéo de l'EI, a affirmé dans le Daily Mail un homme disant être son père.

«Je ne peux pas être certain, mais il ressemble à mon fils», déclare cet homme, Ahmed Muthana, 57 ans, à propos d'un des combattants de l'EI apparaissant, visage découvert, dans la vidéo.

Il s'agirait de Nasser Muthana, un étudiant en médecine de 20 ans originaire de Cardiff (Grande-Bretagne). Le quotidien britannique publie plusieurs photos extraites de vidéos de l'EI montrant le visage du jeune homme qui pourrait avoir été identifié par Ahmed Muthana.

«Il doit vivre dans la crainte d'Allah pour avoir tué», poursuit M. Muthana. Interrogé par le Daily Mail pour savoir s'il serait prêt à pardonner son fils, M. Muthana répond «non». «Soit il est fou, soit il y a quelque chose qui ne va pas», ajoute-t-il.

Le Daily Mail cite également Charlie Winter, un expert du centre de recherche Quilliam, confirmant que le jeune homme présent dans la vidéo «ressemble à Nasser Muthana».

Ce dernier aurait été rejoint en Syrie par son jeune frère Aseel, 17 ans, selon la BBC. «Je suis prêt à mourir», avait déclaré Aseel dans une interview en ligne avec la radio anglaise, et se disant indifférent à ce qu'on pourrait penser de lui dans son pays.

1500 personnes exécutées

Le groupe armé État islamique a exécuté près de 1500 personnes en Syrie en cinq mois, depuis l'annonce de l'établissement d'un «califat», a indiqué lundi une ONG.

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) «a comptabilisé 1429 personnes exécutées par l'EI depuis l'annonce de son califat en juin», a précisé son directeur Rami Abdel Rahmane.

La majorité des victimes sont des civils, a-t-il souligné.

«Parmi les personnes ayant été exécutées en masse ou décapitées par l'EI, 879 personnes sont des civils, dont 700 sont membres de la tribu Shaitat», a affirmé M. Abdel Rahmane.

La tribu sunnite des Shaitat, originaire de la province de Deir Ezzor, dans l'est de la Syrie, s'est soulevée contre le groupe djihadiste au milieu de l'année.

Quelque 63 des personnes tuées étaient membres d'autres groupes rebelles ou du Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, qui a combattu l'EI dans le nord et l'est du pays, selon M. Abdel-Rahmane.

Le nombre de soldats du régime exécutés par l'EI s'élève à 483. L'EI a exécuté en outre quatre de ses membres qu'il a accusés de corruption, selon la même source.

Le groupe sunnite ultra-radical a tué ces derniers mois un grand nombre de soldats de l'armée syrienne loyale au président Bachar al-Assad après avoir pris des positions gouvernementales dans le centre et le nord de la Syrie.

Plusieurs ont été décapités et leurs corps exposés au public, «dans le but de terrifier les civils et les groupes qui décident de se battre contre» l'EI, affirme M. Abdel Rahmane.

Les exécutions par l'EI visent aussi à «terroriser la communauté internationale et à attirer de nouveaux djihadistes dans ses rangs», a-t-il affirmé à l'AFP.

Les militants syriens affirment que l'EI détient des centaines de personnes en otage.