Le Premier ministre irakien Haïdar al-Abadi est arrivé dans la nuit à Téhéran pour une réunion de crise sur le groupe État islamique (EI) qui a lancé lundi soir un nouvel assaut sur la ville syrienne de Kobané défendue par les Kurdes.

Alors que les combattants kurdes ont bénéficié pour la première fois d'un largage d'armes et attendent des renforts du Kurdistan irakien via la Turquie, l'Iran chiite, très hostile aux djihadistes sunnites et qui ne fait pas partie de la coalition, a de son côté admis avoir envoyé des armes et conseillers militaires en Irak.

Les djihadistes de l'EI, qui a lancé une vaste offensive début juin en Irak et contrôle de vastes secteurs, ont attaqué la ville de Qara Tapah (nord, à 50 km de la frontière iranienne), provoquant la fuite de milliers d'habitants.

En Syrie, après deux attaques suicide dans le nord de Kobané en fin de journée, les djihadistes ont lancé un assaut «sur tous les fronts de la ville», a déclaré à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane.

De violents combats se sont déroulés dans la soirée alors que les Kurdes avaient réussi ces derniers jours à freiner l'avancée des djihadistes, grâce notamment à l'intensification des raids aériens de la coalition internationale.

Lundi à l'aube, trois avions américains ont largué pour la première fois des armes, des munitions et du matériel médical sur les positions des Unités de protection du peuple (YPG), qui défendent la ville troisième ville kurde de Syrie depuis plus d'un mois.

«Les soldats sur le terrain ont commencé à manquer d'approvisionnement pour continuer le combat, c'est pourquoi nous avons autorisé» ce largage, a expliqué la porte-parole du département d'État américain, Marie Harf.

«Nous continuerons à les aider à repousser l'EI», a-t-elle dit en reconnaissant qu'il y avait «toujours un risque que Kobané tombe» entre les mains des djihadistes.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a affirmé qu'il serait «irresponsable» pour les États-Unis «de tourner le dos à une communauté combattant» l'EI.

Les armes, fournies par les autorités kurdes d'Irak, vont être «d'une grande aide», s'est félicité le porte-parole des YPG, Redur Xelil.

Autre bonne nouvelle pour les Kurdes, qui avaient multiplié les appels à renforcer les moyens de leurs combattants, Ankara a annoncé qu'elle autorisait désormais les «peshmergas kurdes» d'Irak «à franchir la frontière pour aller à Kobané», une décision saluée par Washington.

«Double jeu» turc 

«Nous avons des jeunes Kurdes originaires du Kurdistan occidental (la Syrie, NDLR) que nous avons entraînés au Kurdistan (irakien). Nous allons les envoyer au combat», a déclaré à l'AFP Halgord Hekmet, porte-parole des peshmergas irakiens.

«Nous n'avons pas d'autres forces à envoyer», a-t-il néanmoins indiqué alors que l'Irak lutte lui-même contre l'EI.

Malgré les pressions de ses alliés, le gouvernement islamo-conservateur d'Ankara a jusque-là refusé toute intervention militaire pour venir en aide aux Kurdes syriens.

Dimanche encore, le président Recep Tayyip Erdogan a rejeté catégoriquement les appels pour qu'Ankara fournisse directement des armes aux YPG, la branche armée du PYD qu'il accuse d'être le pendant syrien du PKK, qui mène depuis 1984 en Turquie une guérilla à l'origine de 40 000 morts.

«La Turquie joue un double jeu (...) En laissant entrer les peshmergas irakiens dans Kobané, les Turcs peuvent continuer à dire qu'ils n'aident pas le PKK (...) et répondre à leurs alliés qui les accusent de ne rien faire» contre l'EI, a déclaré à l'AFP l'analyste Sinan Ülgen, du Centre d'études politiques et économiques (EDAM) d'Istanbul.

Près de 140 frappes 

Les avions de la coalition ont accru parallèlement ces derniers jours les raids sur Kobané, ayant frappé près de 140 fois les positions de l'EI dans et autour de la ville depuis fin septembre, selon le Commandement militaire américain chargé de la région (Centcom).

Ces frappes ont «tué des centaines de combattants (de l'EI) et détruit ou endommagé» nombre de ses équipements, a noté le Centcom.

En Irak, les djihadistes de l'EI ont attaqué lundi Qara Tapah sous contrôle kurde, faisant dix morts.

«Près de la moitié de la population a fui aujourd'hui. Nous parlons d'environ 9000 personnes», a déclaré Haidar, un habitant. «Les gens qui restent sont des jeunes hommes qui ont pris les armes pour défendre leur ville au côté des peshmergas».

En dépit des frappes de la coalition, débutées le 8 août, les forces gouvernementales irakiennes peinent à reprendre le terrain perdu dans le nord et l'ouest du pays et doivent faire face à de nouvelles attaques.

Un attentat suicide a visé lundi un rassemblement de fidèles chiites dans une mosquée à Bagdad, provoquant la mort de onze d'entre eux, selon la police.