Les djihadistes de l'organisation Etat islamique ont envoyé dimanche des renforts vers Kobané, où les forces kurdes leur opposaient une résistance farouche dans cette ville syrienne devenue aux yeux du monde le symbole de la lutte contre l'EI.

En Irak, l'EI a revendiqué trois attaques suicide qui ont fait au moins 40 morts dans une ville sous contrôle kurde, tandis que le chef de la police de la province d'Anbar (ouest), en partie sous contrôle des djihadistes, a été tué dans un attentat.

À Kobané, les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) ont progressé dimanche d'une cinquantaine de mètres en direction de leur QG d'où ils ont été délogés vendredi, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Dans cette troisième ville kurde de Syrie, frontalière de la Turquie, l'EI a tiré 11 roquettes sur le centre-ville, a précisé cette ONG.

Mais la situation reste à l'avantage des djihadistes, plus nombreux et mieux armés. Ils contrôlent environ 40 % de la ville, particulièrement le secteur est et des quartiers dans le sud et l'ouest.

La défense acharnée des forces kurdes a néanmoins contraint l'EI à faire venir des renforts en provenance de Raqa et Alep, leurs bastions du Nord syrien, selon l'OSDH.

«Bataille cruciale»

«Ils envoient même des hommes qui n'ont pas beaucoup d'expérience du combat», a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH. «Il s'agit bien d'une bataille cruciale pour eux. S'ils n'arrivent pas à prendre Kobané, cela va porter un coup dur à leur image [...]. Ils ont mis tout leur poids dans cette bataille».

Les défenseurs de Kobané, eux, ne peuvent recevoir de renforts car la Turquie bloque sa frontière, empêchant notamment des Kurdes de ce pays de se porter au secours de leurs camarades assiégés.

Cette attitude d'Ankara a provoqué ces derniers jours des émeutes prokurdes en Turquie, qui ont fait au moins 34 morts.

Le premier ministre turc a toutefois confirmé dimanche que son pays allait renforcer les capacités militaires de l'opposition modérée syrienne.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réitéré sa «profonde inquiétude sur la situation dans et autour» Kobané, et appelé «toutes les parties à se lever pour empêcher un massacre de civils».

Feyza Abdi, élue locale de Kobané réfugiée en Turquie mais toujours en contact avec des combattants, a appelé la communauté internationale à envoyer «des armes et des munitions» mais aussi «des missiles antichars car ce sont les blindés qui nous font le plus de mal».

Sans cette aide, Azad Bekir, un réfugié en contact avec son frère à Kobané, se montre «pessimiste»: les combattants kurdes «tiennent bon» et «tuent beaucoup de ''bandits'' [djihadistes], mais ces derniers reviennent toujours plus nombreux».

La Commission européenne a annoncé l'octroi de 3,9 millions d'euros aux organisations humanitaires qui viennent en aide aux quelque 180 000 réfugiés ayant fui la région de Kobané vers la Turquie.

«Tragédie»

Le secrétaire d'État américain John Kerry, en visite au Caire, a qualifié de «tragédie» la situation mais a précisé que l'approche de la coalition par rapport à «Kobané ne définit pas [sa] stratégie» globale contre l'EI.

L'armée américaine a indiqué avoir conduit samedi et dimanche quatre frappes en Syrie et cinq en Irak.

Kobané sera vraisemblablement au centre mardi d'une réunion à Washington des chefs militaires de 21 pays de la coalition, qui vont faire le point sur leur stratégie anti-EI près de trois mois après le déclenchement de la campagne aérienne en Irak et près de trois semaines après le début des raids sur la Syrie.

Les djihadistes contrôlent de larges territoires dans ces deux pays, sur lesquels ils ont décrété un «califat».

En Irak, ils tentent notamment de s'emparer de la raffinerie de Baïji, au sud de leur bastion de Mossoul (nord), défendue par l'armée irakienne et des tribus sunnites.

Pour venir en aide aux forces progouvernementales assiégées dans ce secteur entouré de territoires conquis par l'EI, la coalition a mené sa première opération de largage de munitions, vivres et eau vendredi et samedi, selon le Pentagone.

Par ailleurs, l'EI a revendiqué trois attaques suicides qui ont tué à Qara Tapah (nord) 40 personnes, la plupart des anciens soldats des forces kurdes qui voulaient se réengager pour lutter contre l'EI.

Dans l'ouest du pays, la mort du chef de la police de la province d'Anbar confirme les inquiétudes du Pentagone, dont le chef, Chuck Hagel, avait concédé vendredi que les forces gouvernementales étaient «en difficulté» dans cette province.

PHOTO LEFTERIS PITARAKIS, ARCHIVES AP

Une femme turque regarde le nuage de fumée causé par les échanges de tirs entre les militants de l'EI et les forces kurdes, à Mursitpinar.