Le groupe Etat islamique (EI) a renforcé samedi son emprise sur une grande partie de la ville syrienne de Kobané, défendue avec acharnement par les forces kurdes, et l'ONU craint pour la vie de milliers de civils.

Alors que la campagne aérienne contre l'EI est entrée dans son troisième mois en Irak et dans sa troisième semaine en Syrie, sans parvenir à freiner son élan à Kobané notamment, les chefs militaires de 21 pays de la coalition internationale réunies contre l'EI se réunissent mardi à Washington pour évaluer leur stratégie.

Dans Kobané, les forces kurdes, moins nombreuses et moins bien armées, ont réussi à repousser les djihadistes sur plusieurs fronts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Samedi, 23 djihadistes ont été tués, rapporte l'ONG.

L'EI contrôle 40% de Kobané, particulièrement des secteurs dans l'est, le sud et l'ouest de la ville, et a pris le contrôle du QG des forces kurdes dans le nord de la cité, à un kilomètre environ de la frontière turque.

Selon Mustafa Ebdi, un militant kurde originaire de Kobané, les forces kurdes, de plus en plus désespérées, voient leurs munitions diminuer et réclament plus de frappes aériennes. «Les combattants sont résolus à se battre jusqu'à la dernière balle», a-t-il dit à l'AFP.

Près de 580 morts 

Depuis le 16 septembre de l'offensive djihadiste dans la région de Kobané, 577 personnes, en majorité des combattants - dont 321 djihadistes, ont péri, selon l'OSDH, et quelque 70 villages sont tombés aux mains de l'EI. En outre, 300 000 habitants ont pris la fuite, dont plus de 200 000 en Turquie.

Jusqu'à 700 civils se trouvent encore dans le centre de Kobané, et de 10 000 à 13 000 sont rassemblés tout près de la frontière, a déclaré l'émissaire spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan De Mistura. Selon lui, si la ville tombe, ces civils seront «très probablement massacrés».

Les États-Unis ont mené vendredi et samedi six frappes aériennes en Syrie, près de Kobané. En Irak, les États-Unis et les Pays-Bas, dans le cadre de la coalition internationale, ont également effectué trois frappes, dont une près de Tal-Afar (nord) et deux au nord-ouest de Hit dans la province occidentale d'Al-Anbar.

Profitant de la guerre civile qui ravage la Syrie depuis plus de trois ans, l'EI s'est emparé de vastes territoires dans le nord et l'est de ce pays. Il contrôle en outre de grandes zones en Irak.

Les États-Unis ont annoncé avoir réalisé ces derniers jours plusieurs largages pour réapprovisionner, pour la première fois, les forces armées irakiennes.

«À la demande du gouvernement irakien», l'armée américaine a effectué de «multiples» largages à proximité de la ville de Baïji, à 200 kilomètres au nord de Bagdad, a annoncé le Centre de commandement américain chargé du Moyen-Orient et de l'Asie centrale (Centcom).

Si les frappes aériennes ont aidé à maintenir Bagdad en sécurité, selon des responsables militaires américains, la capitale irakienne n'est pas à l'abri des violences: de nouveaux attentats y ont fait au moins 34 morts samedi dans deux quartiers chiites.

À Londres, le ministère de la Défense a annoncé que des militaires britanniques se trouvent en Irak pour entraîner les forces kurdes qui combattent l'EI.

Une «petite équipe de spécialistes» est présente dans la région d'Erbil, capitale du Kurdistan, la région autonome kurde du nord de l'Irak, et entraîne les peshmergas, les combattants kurdes, à utiliser les mitrailleuses lourdes que la Grande-Bretagne leur a données en septembre.

L'Allemagne a elle aussi fourni des armes aux forces kurdes d'Irak - des fusils d'assaut et des lance-roquettes antichars - et des militaires allemands se trouvent également dans la région d'Erbil pour entraîner les peshmergas à leur maniement

Hésitations de la Turquie 

Concernant la Syrie, les États-Unis, frustrés par les hésitations d'Ankara, ont fait état d'avancées avec la Turquie pour qu'elle s'implique davantage dans le combat contre l'EI.

Mais un des chefs des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan a annoncé que le PKK avait commencé à renvoyer en Turquie des combattants basés dans le nord de l'Irak, à cause de la bataille de Kobané et des émeutes pro-kurdes, qui menacent le processus de paix avec Ankara.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a promis de tout faire pour sauver ce processus et a dénoncé ceux qui voudraient le saboter. «Tout le monde doit savoir que les actes de violence, de vandalisme et de pillage que nous avons vus ces derniers jours n'ont rien à voir avec Kobané», a-t-il répété samedi.

Ces émeutes ont fait au moins 31 morts et plus de 350 blessés, selon le ministre turc de l'Intérieur Efkan Ala.