Plus de 130 000 Syriens, principalement kurdes, ont trouvé refuge en Turquie pour fuir la percée dans le Nord-Est syrien du groupe État islamique (EI), qui bute sur la résistance kurde autour de la ville stratégique d'Aïn al-Arab.

Les combattants sunnites ultra-radicaux ont poussé ces populations à l'exode précipité vers la Turquie voisine en s'emparant d'au moins 64 villages de la région d'Aïn al-Arab (Kobané en kurde) depuis la semaine dernière.

Les djihadistes veulent prendre la troisième ville kurde de Syrie pour s'offrir le contrôle total d'une longue bande de la frontière syro-turque. Mais leur progression rapide des derniers jours a été ralentie lundi à l'est et au sud de cette localité par les combattants kurdes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

L'EI se trouve à une dizaine de kilomètres à l'est et à l'ouest d'Aïn al-Arab, et à une vingtaine au sud selon l'ONG, qui affirmait dimanche que la ville était «totalement assiégée».

Pour repousser cet assaut, le mouvement armé kurde turc PKK a d'ailleurs exhorté lundi ses partisans à aller se battre en Syrie.

Des opposants syriens et de responsables kurdes ont également appelé la coalition internationale dirigée par les États-Unis à lancer des frappes, mais aucune action en ce sens n'a été jusqu'à présent signalée. Le président Barack Obama avait récemment affirmé être prêt à élargir les raids contre l'EI à la Syrie.

Frontière de 900 km

Le nombre de Syriens ayant fui en Turquie a «dépassé 130 000», a annoncé le vice-premier ministre turc, Numan Kurtulmus, dont le pays «a pris toutes les mesures nécessaires pour le cas où l'afflux de déplacés se poursuivrait».

«Nous sommes prêts pour le pire des scénarios. Nous faisons tout pour accueillir les gens qui passent en Turquie», a ajouté M. Kurtulmus.

Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a confirmé ce chiffre et expliqué que les déplacés avaient trouvé refuge dans plusieurs villes du sud-est de la Turquie, passant par neuf postes frontaliers.

À Ankara, un responsable turc a indiqué à l'AFP que «trois points de passage» étaient ouverts lundi en début d'après-midi pour les réfugiés à la frontière turco-syrienne.

À celui de Mursitpinar, dans la province de Sanliurfa (sud-est), des dizaines de personnes attendaient encore lundi de pouvoir entrer dans le pays, a constaté un journaliste de l'AFP.

La Turquie, qui possède 900 km de frontière avec la Syrie, a déjà accueilli 1,5 million de personnes depuis 2011 et le déclenchement de la guerre.

Au moins 60 morts

Aïn al-Arab avait jusqu'alors été relativement épargnée par le conflit en Syrie et quelque 200 000 déplacés syriens y avaient trouvé refuge, d'après l'ONU.

Selon l'OSDH, des Syriens non kurdes se sont joints aux combattants kurdes pour défendre la ville, où l'ONG estime à au moins 60 le nombre de morts des deux côtés.

Alors que l'opposition syrienne en exil a mis en garde contre un «nettoyage ethnique» dans ce secteur, les réfugiés ont commencé à témoigner. L'un d'eux, Sahab Basravi, a expliqué à l'AFP à Mursitpinar que les Kurdes avaient pris peur quand l'EI a attaqué dans la région : «Dans les mosquées, ils ont dit qu'ils avaient le droit de tuer tous les Kurdes de 7 à 77 ans. Nous avons alors ramassé des affaires et quitté la ville immédiatement».

Le président américain Barack Obama, qui a exclu d'envoyer des troupes au sol en Irak comme en Syrie, veut entraîner et équiper les rebelles modérés syriens pour qu'ils puissent faire face à l'EI, mais cela risque de prendre du temps. D'autant qu'il lutte déjà contre le régime syrien.

Selon l'OSDH, les forces gouvernementales syriennes ont tué au moins 42 personnes, dont 16 enfants, dimanche lors de raids aériens dans la province d'Idlib (nord-ouest).