L'Iran a signifié lundi son refus de coopérer avec Washington pour combattre les djihadistes de l'État islamique (EI) car il juge illégitime une coalition internationale dont l'objectif réel reste selon Téhéran de renverser le régime syrien.

La République islamique a tenu à afficher sa position le jour où se réunissaient à Paris une trentaine de pays pour une conférence internationale à laquelle Téhéran n'avait pas été convié, en dépit de son voisinage avec l'Irak.

L'Iran affirme ne pas avoir attendu cette mobilisation lancée par les États-Unis pour fournir une aide à Damas et Bagdad face à l'avancée des djihadistes.

Dès les premiers jours de cette offensive en Irak, début juin, «les États-Unis via leur ambassadeur en Irak ont demandé une coopération contre Daesh [acronyme en arabe de l'EI]. Certains responsables n'étaient pas hostiles, mais j'ai refusé car les Américains ont les mains souillées et des intentions malsaines», a affirmé lundi le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei.

«Les Américains mentent lorsqu'ils disent avoir refusé la présence de l'Iran dans l'alliance car dès le début nous avions déclaré notre opposition à une telle présence», a-t-il expliqué.

Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a de son côté critiqué le bien-fondé de cette «conférence-spectacle».

Le secrétaire d'État américain John Kerry avait estimé que la présence de Téhéran à la conférence de Paris «ne serait pas adéquate», notamment en raison de son rôle en Syrie. Téhéran affirme fournir des conseils à l'armée régulière syrienne face aux «terroristes», terme qui désigne l'ensemble de la rébellion armée.

Le département d'État a toutefois indiqué lundi que les États-Unis étaient ouverts à des «discussions diplomatiques» avec Téhéran, mais qu'il n'y aura pas de coordination «militaire».

Le chef de la diplomatie britannique Philip Hammond a également déclaré «espérer que l'Iran soutienne les grandes lignes» de la coalition et «se montre coopératif».

Présent aussi à Paris, son homologue irakien Ibrahim al-Jaafari a publiquement «regretté l'absence de l'Iran» à la conférence.

«Un prétexte»

Le président américain Barack Obama a changé la donne mercredi dernier en annonçant l'extension de la campagne aérienne contre l'EI en Irak et en se disant prêt à frapper jusqu'en Syrie. Il s'est en outre engagé à renforcer l'aide militaire aux rebelles syriens modérés, qui luttent à la fois contre les djihadistes et le régime de Damas.

Selon l'ayatollah Khamenei, les États-Unis cherchent «un prétexte» pour bombarder en Irak et en Syrie «les endroits qu'ils veulent sans autorisation», en prenant l'exemple des frappes de drones américains sur les bases des talibans au Pakistan.

«L'alliance contre la Syrie» créée par les États-Unis «n'avait rien pu faire et ce sera pareil en Irak», a-t-il averti, en faisant référence à la conférence internationale des Amis de la Syrie réunie à partir de 2012 pour soutenir la rébellion.

Pour l'analyste iranien Amir Mohebian, interrogé par l'AFP, Washington est en train de réunir une coalition hétéroclite et aux intérêts divergents de son but avoué, avec «la Turquie, qui accueille les dirigeants de Daesh dans ses hôpitaux, le Qatar qui les finance ou l'Arabie saoudite qui a aidé à leur création en Syrie».

Les Américains «doivent choisir entre Assad et les terroristes car il n'y pas de groupes rebelles modérés en Syrie», estime-t-il.

Pour lutter contre l'EI, l'Iran prône le renforcement des «gouvernements irakien et syrien qui luttent de manière sérieuse contre le terrorisme», selon Hossein Amir-Abdollahian.

Le chef de l'état-major des forces armées iraniennes, le général Hassan Firouzabadi, a aussi souligné «le rôle principal» que doivent jouer les forces régulières et les bataillons de volontaires, formés en Syrie de miliciens locaux et du Hezbollah libanais et en Irak des membres des milices chiites.

Mais les États-Unis refusent toute coordination avec Damas concernant d'éventuelles frappes aériennes en Syrie. Et le président français François Hollande a appelé lundi les participants à la conférence de Paris à soutenir «par tous les moyens» les forces de l'opposition démocratique en Syrie.