En juin dernier, la famille du père Khalid Karomi, qui habite la ville de Korakosh en Irak, a reçu en pleine nuit la visite des peshmergas, la milice armée kurde d'Irak. La ville de Mossoul, à 20 km au nord-ouest, venait de tomber aux mains des extrémistes islamistes et les peshmergas évacuaient Korakosh.

La quarantaine de personnes qui forment le clan Karomi à Korakosh ont dû partir en plein milieu de la nuit pour Ankawa, près d'Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Depuis, ils doivent s'entasser dans deux petites maisons de deux pièces chacune.

«Je leur avais rendu visite il y a un an», dit le père Karomi, qui dirige la paroisse Saint-Éphrem, à Laval, qui participait vendredi à une conférence de presse de prélats catholiques de rite syriaque, à Cartierville.

«Les choses semblaient aller mieux depuis le pire de la guerre civile, après l'invasion de 2003. À Bagdad aussi. Il y avait de très grands espoirs, mais ils sont tous disparus. Ma famille me dit qu'elle veut maintenant abandonner la terre où elle vit depuis 2000 ans. À Mossoul, 60 000 chrétiens ont dû quitter la ville en pleine nuit, amenant enfants, malades et vieillards. Je demande au Canada de faire quelque chose, soit participer à une force internationale, soit faciliter l'immigration des chrétiens irakiens.»

Anciennes communautés

Les chrétiens d'Irak et de Syrie forment des «communautés apostoliques», fondées dans les premiers siècles de notre ère, certaines par des apôtres de Jésus. Tout comme les catholiques coptes d'Égypte, ils avaient été relativement épargnés par l'exode ayant frappé les chrétiens et les juifs du monde musulman après l'indépendance d'Israël.

Mais l'invasion américaine de l'Irak en 2003 puis la chute de la dictature égyptienne en 2011 et la guerre civile en Syrie ont attisé les tensions sectaires. Le Vatican, auquel sont affiliées 11 Églises orientales différentes, sonne l'alarme depuis près de 10 ans et a redoublé ses appels ces dernières années, avec les succès des islamistes en Syrie - et depuis peu, en Irak -, où ils ont fondé l'État islamique. Des dizaines de religieux et de prêtres ont été enlevés et tués, tout comme un archevêque syrien.

«Il faut que la communauté internationale intervienne pour empêcher le financement et les ventes d'armes aux terroristes de l'État islamique», a dit Paul Marwan Tabet, évêque maronite du Canada et porte-parole du Rassemblement des Églises chrétiennes orientales du Canada, en marge de la conférence de presse de vendredi.

«Les agences de renseignement occidentales savent qui les finance et leur vend les armes. Les djihadistes obtiennent aussi des fonds en vendant le pétrole qu'ils contrôlent en Syrie et en Irak sur le marché noir.»

Le pape François ne vient-il pas de décrier l'utilisation de «bombes» pour lutter contre les soldats de l'État islamiste? «Il faut intervenir pour créer des zones protégées, comme l'ONU au Liban ou en Bosnie, il ne faut pas tuer des gens», dit Mgr Tabet.

Une marche est organisée demain en faveur des chrétiens d'Irak et de Syrie. Elle commencera par une prière à la cathédrale Saint-Sauveur, sur le boulevard de l'Acadie, et se terminera au parc Marcellin-Wilson, où se trouvent des statues en l'honneur des martyrs libanais et arméniens.