Des djihadistes se sont emparés jeudi de Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d'Irak, poussant des dizaines de milliers de personnes à fuir et conduisant l'ONU à tenir des consultations en urgence.

Selon le patriarche chaldéen Louis Sako, 100 000 chrétiens ont été poussés sur les routes «avec rien d'autre que leurs vêtements sur eux» après la prise de Qaraqosh et d'autres villes de la région de Mossoul (nord) par des combattants de l'État islamique (EI).

Parmi ces localités figurent «Tal Kayf, Bartella et Karamlesh», qui ont été «vidées de leurs habitants», selon Mgr Joseph Thomas, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleimaniyeh.

«C'est un désastre humanitaire. Les églises sont occupées, leurs croix ont été enlevées», et plus de 1500 manuscrits ont été brûlés, a souligné Mgr Sako.

«Nous lançons un appel avec beaucoup de douleur (...) au Conseil de sécurité de l'ONU, à l'Union européenne et aux organisations humanitaires, pour qu'ils aident ces gens en danger de mort», a insisté le patriarche, qui redoute un «génocide».

À Rome, le pape François a lui aussi lancé un appel urgent à la communauté internationale pour «protéger» les populations en fuite dans le nord de l'Irak.

Peu après, la France, «vivement préoccupée», a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité, qui a annoncé tenir jeudi soir des consultations en urgence à huis clos à New York.

Aucune résistance

À Qaraqosh, les djihadistes ont pris position dans la nuit après le retrait des forces kurdes, ont expliqué des habitants de cette ville de 50 000 habitants entièrement chrétienne.

Qaraqosh est située entre Mossoul, la deuxième ville du pays tenue par l'EI, et Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan.

Au nord de Mossoul, à Tal Kayf, où vivaient également de nombreux chrétiens et des membres de la minorité chiite Chabak, les djihadistes «sont arrivés juste après minuit» et «n'ont rencontré aucune résistance», a expliqué Boutros Sargon, un habitant joint par téléphone à Erbil, après avoir fui dans la nuit.

Ce nouvel exode dépasse largement par son ampleur celui des chrétiens chassés de Mossoul en juillet, alors que la communauté chrétienne d'Irak a plus que diminué de moitié depuis 2003, étant désormais estimée à 400 000 personnes.

Dans un communiqué, l'EI a salué «une nouvelle libération dans la province de Ninive (dont Mossoul est la capitale), qui servira de leçon aux Kurdes profanes».

Cette poussée de l'EI met les djihadistes parfois à tout juste 20 km des frontières officielles du Kurdistan irakien. Et ils ne sont plus qu'à 40 km d'Erbil.

Menés par l'EI, qui était déjà bien implanté en Syrie, des insurgés sunnites ont lancé en juin une offensive fulgurante dans le nord de l'Irak, s'emparant de vastes pans de territoire.

À la faveur de la déroute de l'armée, les forces kurdes, de loin les mieux entraînées et organisées du pays, ont pris position hors de leurs frontières officielles, élargissant officieusement le Kurdistan de 40%. Mais depuis fin juillet, elles reculent inexorablement à Ninive.

Jeudi, les peshmergas ont cependant assuré avoir repoussé une attaque djihadiste contre le barrage de Mossoul, une infrastructure qui permet de contrôler l'accès à l'eau et à l'électricité dans toute la région.

Et les forces kurdes se sont unies à l'armée irakienne et aux milices chiites pour mener une opération conjointe destinée à libérer Amerli, une ville turcomane assiégée depuis près de deux mois par les djihadistes à 160 km au nord de Bagdad.

Sans eau ni nourriture 

Mercredi, des combattants kurdes d'Irak, de Syrie et de Turquie avaient déjà décidé d'unir leurs forces dans une rare alliance pour tenter de contrer l'avancée de l'EI et secourir des milliers de civils.

Parmi les plus récentes conquêtes de l'EI figure en effet la région de Sinjar, bastion de la minorité yazidie, une communauté kurdophone pré-islamique considérée par les djihadistes comme «adoratrice du diable».

Des dizaines de milliers de personnes ont fui et se retrouvent piégées, sans eau ni nourriture, dans les montagnes désertiques environnantes.

Jeudi, un porte-parole a annoncé que des combattants kurdes avaient sécurisé un corridor pour permettre à des familles Yazidis de se rendre dans le nord de la Syrie, un territoire revendiqué par les Kurdes.

Plusieurs responsables politiques et organisations internationales ont fait état de centaines de civils disparus depuis l'arrivée des djihadistes, connus pour leurs exactions, et de dizaines d'enfants morts de soif dans les montagnes.

Plusieurs centaines de déplacés sont arrivés en Turquie depuis mercredi.

Ces derniers ne sont même pas à l'abri à Kirkouk, la principale ville prise par les peshmergas. Jeudi, un attentat à la voiture piégée a fait au moins huit morts et une cinquantaine de blessés dans une mosquée chiite servant de lieu d'hébergement.

Le pape appelle à l'aide

Le pape François a lancé jeudi un appel urgent à la communauté internationale pour «protéger» les populations du nord de l'Irak, en grande partie chrétiennes.

Le pape, dans un appel lu par son porte-parole, le père Federico Lombardi, reprend son exhortation de l'Angelus du 20 juillet, soulignant que «la violence ne se vainc pas par la violence, mais par la paix» et exprimant sa «proximité» avec les frères chrétiens «persécutés et dépouillés de tout».

François «adresse un pressant appel à la communauté internationale, afin qu'elle se mobilise pour mettre fin au drame humanitaire en cours». Il demande «que soit entrepris le nécessaire pour protéger ceux qui sont menacés par la violence, et assurer les aides nécessaires, en commençant par les plus urgentes, à tant de déplacés, dont le sort dépend de la solidarité d'autrui».

«À la lumière de ces évènements angoissants, le Saint-Père renouvelle l'expression de sa proximité spirituelle à tous ceux qui traversent cette épreuve très douloureuse et s'unit aux appels insistants des évêques régionaux, demandant, avec eux et pour leurs communautés en péril, que s'élève de toute l'Église une prière unanime pour demander au Saint-Esprit le don de la paix».

Des djihadistes se sont emparés jeudi de Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d'Irak, poussant des dizaines de milliers de personnes à fuir et le clergé chaldéen à appeler la communauté internationale à l'aide.

Selon le patriarche chaldéen Louis Sako, 100 000 chrétiens ont été poussés sur les routes «avec rien d'autre que leurs vêtements sur eux», et leurs églises sont occupées, leurs croix enlevées».

«Aujourd'hui, nous lançons un appel avec beaucoup de douleur et de tristesse, au conseil de sécurité de l'ONU, à l'Union européenne et aux organisations humanitaires, pour qu'ils aident ces gens en danger de mort», a dit jeudi le patriarche dans une déclaration à l'AFP en Irak, en redoutant un «génocide».