Les chrétiens de Mossoul, une ville contrôlée par les djihadistes de l'État islamique (EI), fuyaient en masse vendredi après un ultimatum de ce groupe ultra-radical leur donnant quelques heures pour quitter les lieux, selon le patriarche chaldéen et des témoins.

«Les familles chrétiennes se dirigent vers Dohouk et Erbil» dans la région autonome du Kurdistan irakien, a indiqué à l'AFP Louis Sako, déplorant que «pour la première fois dans l'histoire de l'Irak, Mossoul se vide de ses chrétiens».

Selon des témoins, des messages relayés depuis les haut-parleurs de plusieurs mosquées ont intimé aux chrétiens de quitter la ville d'ici samedi.

Dans un communiqué attribué à l'EI, les djihadistes avaient déjà mis en garde la semaine dernière la minorité chrétienne de Mossoul, deuxième ville du pays peuplée de 2 millions d'habitants avant l'offensive d'insurgés sunnites lancée le 9 juin.

«Nous avions été choqués par la distribution de ce communiqué appelant les chrétiens à se convertir à l'islam, ou à payer une taxe spéciale ou à défaut à quitter la ville (...) après quoi leurs maisons appartiendraient à l'État islamique», a expliqué Mgr Sako.

Le communiqué, que l'AFP s'est procuré, affirmait: «il n'y aura pour eux rien d'autre que l'épée» si les chrétiens rejettent ces conditions.

À Washington, le département d'État, par la voix de sa porte-parole Jennifer Psaki, a «condamné dans les termes les plus forts la persécution systématique des minorités ethniques et religieuses par le groupe terroriste» de l'État islamique.

«Ces actions abominables ne font que souligner la mission que se sont donnés (les djihadistes) de diviser et détruire l'Irak et d'aller à l'encontre de l'esprit de tolérance et de coexistence pacifique de l'islam», a-t-elle écrit dans un communiqué.

À la faveur de leur offensive fulgurante, les insurgés emmenés par les djihadistes de l'EI se sont emparés de pans entiers du territoire dans le nord, le centre et l'ouest de l'Irak.

Selon le patriarche et des habitants, plusieurs maisons avaient été taguées au cours des derniers jours de la lettre N pour «Nassarah», un terme qui désigne les chrétiens dans le coran.

Avant l'invasion américaine de 2003, plus d'un million de chrétiens vivaient en Irak, en majorité à Bagdad. Mais en raison des violences meurtrières qui ont secoué le pays depuis, ils ne sont aujourd'hui pas plus de 400 000 sur l'ensemble du territoire.

Beaucoup de ceux qui sont restés vivaient avant l'offensive djihadiste dans la province de Ninive, dont Mossoul est la capitale.

«Éradiquer» les minorités

Les jihadistes qui contrôlent des pans entiers du Nord et de l'Ouest de l'Irak «semblent vouloir éradiquer toute trace des groupes minoritaires» dans la région de Mossoul, s'est alarmé samedi Human Right Watch (HRW) dans un communiqué.

Ils ont récemment commencé à marquer les maisons appartenant aux chrétiens et ont lancé un ultimatum, via un communiqué, enjoignant ces derniers à se convertir, de payer une taxe islamique spéciale ou de quitter la ville avant samedi midi, sans quoi ils seraient exécutés.

L'EI «devrait cesser immédiatement sa campagne vicieuse contre les minorités de Mossoul et de ses environs», a affirmé la directrice pour le Proche-Orient d'Human Right Watch Sarah Leah Whitson, estimant que l'EI «semble vouloir éradiquer toute trace des groupes minoritaires dans les zones qu'il contrôle en Irak».

«Les dirigeants et les combattants (de l'EI) ont beau justifier ces actes abominables par la dévotion religieuse, c'est le règne de la terreur», a-t-elle ajouté.

D'autres minorités - Yazidis, Turcs et chiites Chabak - de la même province, Ninive, ont été plus encore que les chrétiens victimes de crimes, selon HRW.

L'ONG a appelé les autorités sunnites hors EI et les groupes armés à «pousser les djihadistes à arrêter le ciblage et la persécution des minorités religieuses».