Il y a trois jours, Angela Byrd a reçu 10 billets pour l'un des bals les plus populaires de la journée d'assermentation présidentielle. Elle a aussitôt relayé l'information aux employés et membres de son association, le Réseau d'aide aux familles d'accueil de Washington.

Le principe était celui du premier arrivé, premier servi. Trois minutes plus tard, les 10 billets s'étaient envolés. Et tant pis pour tous ceux qui n'avaient pas le nez collé à l'ordinateur. À moins de payer une fortune à des revendeurs, le Neighborhood Ball n'est pas pour eux.

 

Selon la rumeur, c'est justement à ce «Bal du voisinage» que le couple présidentiel esquissera ses premiers pas de danse mardi soir. Parrainé par le comité organisateur de la journée d'assermentation, ce bal est censé réunir tout ce que Washington compte de groupes sociaux et communautaires, le terreau professionnel de Barack Obama.

Théoriquement, ce bal, auquel participeront des artistes comme Beyoncé et Stevie Wonder, devait être ouvert à tous. Mais, en réalité, les places sont comptées. Et les billets se vendent à prix d'or sur l'internet.

Alors, des gens se plaignent. «Je croyais que ce bal devait marquer la reconnaissance pour tous les soldats de première ligne, mais j'ai été naïve. Comme pour tout dans cette ville, il n'y en a que pour ceux qui ont des relations», se désole une lectrice du Washington Post. Signé: une pitoune de gauche...

«Mais Barack Obama ne pouvait quand même pas inviter TOUTE la population de Washington, il n'y a pas de salle assez grande pour accueillir autant de gens», réplique Angela Byrd.

En situation de rareté, la loi du marché est implacable. Une paire de billets pour le Neighborhood Bal atteint 1000$ sur Craigslist... Deux billets pour la cérémonie d'assermentation: 2000$. Pour le bal de la Jeunesse: 750$.

L'appât du gain a d'ailleurs causé des remous politiques cette semaine, lorsqu'on a appris qu'une ancienne employée du Congrès, heureuse détentrice de quatre billets pour l'assermentation, les avait revendus 3500$. Jugeant qu'un tel trafic nuit à la solennité de la cérémonie, le Sénat a voté il y a deux jours une loi qui en fait un acte criminel. Mais hier, le commerce de billets se poursuivait bel et bien sur l'internet.

Appât du gain (suite)

Destination DC, l'organisme de promotion touristique de la capitale américaine, jure qu'il reste encore 7500 chambres d'hôtel à louer à Washington pour le long week-end inaugural. Pudiquement, il omet de mentionner un détail: le prix.

Vérification faite, la chambre la moins chère à une distance acceptable du coeur de la capitale coûte 499$ la nuit, à condition de réserver pour au moins quatre nuits.

Les hôtels les plus abordables sont situés dans la grande région métropolitaine, qui empiète sur le Maryland et la Virginie. Mardi, plusieurs des ponts qui donnent accès à la capitale seront fermés. Les autos ne pourront y circuler. Et les responsables avertissent de compter en moyenne une heure d'attente pour le train ou le métro. Ceux qui s'exilent devront s'y prendre de bonne heure pour atteindre le Capitole.

Prix exorbitants, perspective de voir débarquer deux millions de personnes dans une ville qui compte 29 000 chambres d'hôtel: il n'en fallait pas plus pour stimuler l'esprit d'entreprise de la population locale.

Laura, jeune diplômée de l'American University, partage un appartement avec quatre colocs dans le quartier universitaire. Ils sous-louent leurs chambres entre 200$ et 250$ la nuit pour le week-end inaugural. Un groupe de quatre jeunes professionnels qui partagent un logement dans le quartier recherché de Dupont Circle accueilleront quant à eux une dizaine de touristes. Tarif: 250$ la chambre. «J'en profiterai pour aller coucher chez ma copine», dit l'un de ces entrepreneurs occasionnels, Jon Elkin, employé d'un représentant au Congrès.

«Nous voulons organiser la fête d'assermentation la plus ouverte et la plus accessible de l'histoire», assure Natalie Wyeth, porte-parole du comité organisateur du grand party de Barack Obama.

Mais cette poussée inflationniste ne fait-elle pas, forcément, des exclus? «En Chine, les hôtels avaient bien gonflé leurs prix pendant les Jeux olympiques. En ce moment, tout le monde veut être à Washington. Il y a une fébrilité sans précédent. C'est comme si nous tenions les olympiades de la politique!» répond Christ Gieckel, de Destination DC.

Inflation ou pas, l'esprit de fête est bel et bien là. De nombreux résidants de Washington ouvriront leur maison aux proches et aux amis qui affluent de tous les coins du pays pour assister à l'événement.

Amada Kloer, avocate de 26 ans, accueillera sept personnes dans son petit deux-pièces. «On dormira sur des matelas pneumatiques, ce n'est pas grave. Il y a tellement d'espoir, maintenant. Tout ce qui allait mal va aller mieux!»

«Moi, j'ai des amis qui viennent pour la fête, pour voir toutes ces vedettes qui chanteront à Washington», exulte Ben Shlesinger, correspondant à Washington pour le magazine Examiner. Et qui, de toute sa vie, n'a jamais vu sa ville susciter un tel enthousiasme.