Le procès de l'athlète paralympique sud-africain Oscar Pistorius, qui a repris lundi, pourrait se conclure dès demain. Hier, le témoignage d'une cousine de la victime, le mannequin Reeva Steenkamp, a mis en lumière la douleur, le stress et les problèmes financiers de sa famille depuis le drame du 14 février 2013. Voici quatre éléments cruciaux dont devra tenir compte la juge Thokozile Masipa avant de prononcer la sentence.

1. La confiance envers le système de justice

Gerrie Nel, le virulent procureur de la Couronne, a adressé une mise en garde à peine voilée à la juge, hier, dans le cadre des observations sur la peine: une sentence clémente minerait la confiance de la population envers le système de justice.

«C'est vrai jusqu'à un certain point», estime le professeur Daniel Douek, de l'Université Concordia. Selon lui, les Sud-Africains ont «un haut niveau de confiance» en leur appareil judiciaire, qui «demeure plutôt indépendant, qui n'est pas facilement influencé par les autres composantes du pouvoir». Toutefois, si Oscar Pistorius reçoit une peine légère, «il y aura toujours des doutes que c'est à cause de sa race et de sa position sociale».

La politologue Marianne Séverin, du centre de recherche Les Afriques dans le monde de l'Université de Bordeaux, abonde dans le même sens et évoque l'impression de «justice à deux vitesses» que ressent notamment la majorité noire. Selon elle, beaucoup de Sud-Africains pensent que «quand tu es blanc et riche, tu as plus de chances de t'en sortir que quand tu es noir».

2. L'éternelle question raciale

«L'Afrique du Sud a une des constitutions les plus récentes et les plus modernes du monde», souligne Daniel Douek, qui évoque les droits des femmes, des minorités sexuelles ainsi que le droit à l'éducation. «Elle est très démocratique et très différente du système qui prévalait sous l'apartheid.

Malgré cela, les inégalités raciales demeurent une préoccupation. D'ailleurs, en septembre, le verdict de la juge Thokozile Masipa avait provoqué des remous. «Tout le monde lui est tombé dessus à bras raccourcis quand elle [a reconnu Oscar Pistorius] coupable d'homicide involontaire» et non de meurtre, rappelle Marianne Séverin, qui rappelle cependant que la juge Masipa a la réputation de punir sévèrement les hommes qui commettent des crimes contre les femmes.

3. Les risques liés à une incarcération

La défense a soulevé l'ire de la famille de la victime, cette semaine, en proposant qu'Oscar Pistorius soit condamné à des travaux d'intérêt général pour éviter la prison, qui serait trop dangereuse pour une personne handicapée comme lui.

Les prisons sud-africaines sont considérées comme surpeuplées et violentes, mais «quand il s'agit d'envoyer des Noirs en prison, personne ne se demande à quel point ce sera risqué pour eux», souligne Daniel Douek.

Le procureur Gerrie Nel a mis en doute hier les risques évoqués par la défense en affirmant qu'il existe dans les prisons du pays des quartiers pour les personnes handicapées, afin qu'elles soient à l'écart des détenus dangereux et qu'elles bénéficient de conditions d'hygiène adéquates.

4. Les suggestions des témoins

Les observations sur la peine ont mis en lumière une particularité du système judiciaire sud-africain: les témoins appelés à la barre y vont de leurs propres suggestions de sentence. Au Canada, par exemple, des témoins peuvent être appelés à la barre à cette étape du procès, mais ils ne formulent jamais de suggestion.

«C'est vrai que c'est assez particulier», affirme Marianne Séverin, qui y voit du bon. «N'est-ce pas la démocratie poussée à l'extrême? On permet au peuple de donner son avis, de parler au nom de la victime.»

Cela dit, le système judiciaire sud-africain «est plutôt similaire au système britannique, qui a inspiré le nôtre», explique Daniel Douek. Ultimement, c'est la juge qui déterminera la peine d'Oscar Pistorius, quoi qu'en disent les témoins.