Le procureur Gerrie Nel a dressé jeudi un portrait peu flatteur du champion paralympique sud-africain Oscar Pistorius, qui selon lui était un être égoïste rabrouant et rabaissant fréquemment son amie Reeva Steenkamp, qu'il a tuée en février 2013.

Au deuxième jour de son contre-interrogatoire à Pretoria, le procureur a passé au crible les relations parfois tendues du jeune couple avant le drame. Analysant notamment des messages échangés entre les deux amants, il a décrit un homme jaloux et égocentrique, n'admettant jamais aucune responsabilité pour quoi que ce soit.

Oscar Pistorius est resté calme, alors qu'il avait pleuré et vomi à plusieurs reprises ces derniers jours, ne lâchant rien.

«Dans une relation de quatre mois, alors que la relation devenait plus intense, on avait ça: on la traite mal, excuses, sourires», a résumé M. Nel.

Revenant sur leurs disputes par texto, le redoutable procureur a montré qu'Oscar Pistorius n'a fait qu'humilier son amie, ne s'intéressant qu'à lui, qu'à sa propre image. Elle en souffrait, se plaignait, puis il s'excusait, avant de lui faire d'autres reproches, parfois en public: elle ne devait pas mâchonner de chewing-gum, elle ne devait pas le toucher dans le cou, elle devait faire attention à son accent...

«'Fais pas ci, fais pas ça!' Il n'y en avait que pour vous. Ce qui était important pour elle n'avait pas d'importance!», a lancé le procureur. «Elle faisait tout pour vous rendre heureux, pour rendre Oscar heureux».

- «Ca vous était égal?»

- «Ce n'est pas vrai, Madame», a répondu Pistorius, s'adressant formellement à la juge Thokozile Masipa.

- «Il n'y en avait que pour Pistorius. C'était ça, votre relation.»

- «Ce n'est pas vrai Madame.»

Et l'athlète d'expliquer qu'étant lui-même sous le feu des médias, il lui donnait des conseils pour ne pas faire de faux pas en public, et qu'on ne pouvait de toute façon pas extrapoler toute une relation à partir de quelques messages.

«Je voulais que nous puissions régler ça. Je voulais que ça marche. Je voulais que l'on soit dans une relation amoureuse», a dit Oscar Pistorius.

«Le miracle du coup de feu» 

«Dans votre réponse, vous ne lui dites même pas que vous l'aimez», a relevé M. Nel, en référence à son explication après une nouvelle dispute.

Oscar Pistorius a répondu qu'il n'avait jamais dit à quiconque qu'il aimait par SMS.

«Je n'ai jamais eu l'occasion de dire à Reeva que je l'aimais», avait-il reconnu, ému, quelques dizaines de minutes plus tôt quand le procureur remarquait que les nombreux messages échangés par les deux amants ne parlaient jamais d'amour.

Le procureur Gerrie Nel a ensuite mis Oscar Pistorius en difficulté en évoquant l'incident survenu en janvier 2013 dans un restaurant bondé de Johannesburg, où l'athlète a déchargé le pistolet d'un ami par terre.

«Je n'ai pas appuyé sur la gâchette», a répété Pistorius à plusieurs reprises. «Je n'avais pas le doigt sur la gâchette.»

Ce qui est clairement impossible d'après le procureur -- avis d'experts à l'appui --, qui a raillé «le miracle du coup qui part tout seul».

«Je n'ai pas eu le temps de réfléchir», a aussi dit Pistorius.

«Je suis un amateur d'armes à feu, je n'ai pas eu le temps de réfléchir», a immédiatement répondu sarcastiquement Gerrie Nel.

La Cour a évidemment pensé aux paroles de l'athlète, au premier jour du contre-interrogatoire mercredi, quand il racontait comment il avait tiré quatre coups de feu sur la porte des toilettes derrière laquelle se trouvait Reeva, le 14 février 2013: «J'ai tiré avant de réfléchir», «Je n'ai pas eu le temps de réfléchir à ce que je faisais», «J'avais l'arme, le doigt sur la gâchette, c'est un accident qui est arrivé»...

L'athlète, âgée de 27 ans, explique qu'il a tué par erreur son amie à 3 h 17 (20 h 17 heure de Montréal) au matin de la Saint-Valentin 2013, la prenant pour un cambrioleur qui aurait trouvé refuge dans ses toilettes.

L'accusation croit au contraire que le couple s'était violemment disputé et qu'il l'a abattue sciemment.

«De héros à diable»

La mère de Reeva Steenkamp a affirmé dans une interview publiée jeudi que le meurtrier de sa fille, qu'elle «observait constamment» depuis le début du procès, était «passé de héros à diable».

«J'observe constamment Oscar pour voir comment il se comporte. Je suis obsédée par son observation, c'est juste instinctif, je ne peux pas l'expliquer», a-t-elle déclaré au quotidien britannique Daily Mirror.

«Je n'arrête pas de penser 'laissez-moi voir comment il vit ça'. Il a eu des réactions très dramatiques, les vomissements et les pleurs», a-t-elle ajouté, confiant ne «pas savoir s'il joue la comédie».

Les excuses d'Oscar Pistorius, 27 ans, l'ont «laissée de marbre», a-t-elle ajouté. «Je savais qu'elles allaient venir. Mes avocats m'avaient préparé à ça», a-t-elle déclaré.

June Steenkamp, 67 ans, estime sa présence au tribunal indispensable malgré les souffrances et les photos des blessures de sa fille, l'une l'ayant «anéantie».

«Il doit me voir là, au tribunal, il doit sentir mon regard le transpercer, je pense que ça fait une grosse différence», a-t-elle dit au journal, ajoutant «représenter son enfant».

Sur son attitude impassible pendant les audiences, elle explique «tout garder à l'intérieur» et «quand je rentre à l'hôtel, tout sort et je m'effondre».

«Nous voulons juste connaître la vérité», a-t-elle répété, faisant part de son sentiment d'impuissance face à l'agonie qu'a vécu sa fille.

«Ça me hante...nous n'avons pas pu l'aider, nous n'avons rien pu faire».

«Je me moque de ce qui arrivera à Oscar, ça m'est même égal s'il ressort libre. Tout ce que je sais c'est qu'il doit faire face à ce qu'il a fait et - s'il y a lieu - payer pour ça».

«Quelle différence cela va-t-il faire pour moi s'il passe 25 ans en prison ou s'il ressort libre?», a-t-elle également fait valoir. «Je ne suis pas quelqu'un qui veut le punir. Je veux qu'on me rende ma fille mais ça n'arrivera jamais».

«Il a été gâté par les gens, c'est pourquoi il se pavane et semble supérieur. Il est passé de héros à diable», a-t-elle conclu.