Oscar Pistorius savait parfaitement qu'on ne doit pas décharger son pistolet sur quelqu'un qui n'est pas directement menaçant, a témoigné lundi l'homme qui lui fournissait ses armes, au début de la troisième semaine du procès du champion paralympique sud-africain.

Le procureur Gerrie Nel a continué à alterner les témoins, les uns directement liés au meurtre de Reeva Steenkamp, un mannequin de 29 ans abattu par son ami Oscar Pistorius de quatre balles au matin de la Saint-Valentin 2013, les autres liés à la personnalité de l'accusé.

Sean Rens fait partie de cette seconde catégorie. Gérant d'un centre de tir à Johannesburg qui vend des armes et facilite l'obtention des permis de port d'arme pour ses clients, il connaissait Oscar Pistorius depuis mai 2012.

Il a raconté comment l'accusé avait reçu le 14 février 2013, quelques heures après avoir tué son amie Reeva, la facture de six armes qu'il avait commandées: trois pistolets, deux revolvers et un fusil.

«La transaction a été annulée un mois après les événements», a-t-il noté.

Pistorius, qui n'avait qu'un pistolet 9 mm quand il l'a rencontré, avait «un grand amour et un enthousiasme» pour les armes à feu, a-t-il noté, rappelant que la loi sud-africaine interdit aux non-collectionneurs d'en posséder plus de quatre.

L'athlète est également poursuivi pour port d'armes prohibé, un chef d'accusation mineur joint au dossier pour meurtre.

M. Rens a raconté à la Cour que l'accusé lui avait dit qu'il avait un jour dégainé son arme chez lui en entendant un bruit suspect, qui s'est avéré être la machine à laver.

Code rouge, mode de combat

«Il passait dans ce que nous appelons "code rouge", ou mode de combat. En d'autres termes, sortir son arme pour nettoyer sa maison», a-t-il détaillé, confirmant les nombreuses descriptions d'un Pistorius paranoïaque, craignant sans cesse pour sa sécurité même s'il habitait dans une résidence ultra-protégée.

Oscar Pistorius connaissait cependant bien les lois sud-africaines régissant le port d'arme.

Sean Rens a notamment lu ses réponses à un questionnaire préalable à l'achat d'une arme: «Un cambrioleur entre dans votre maison et commence à voler votre hi-fi. Pouvez-vous l'abattre?» Réponse de l'athlète: «Non, la vie n'est pas en danger.»

«Les voleurs sont armés et s'approchent de vous. Pouvez-vous les abattre?» Là, il avait répondu «Oui».

Oscar Pistorius, 27 ans, prétend qu'il a tué son amie Reeva par erreur, la prenant pour un cambrioleur caché dans les toilettes, aux premières heures du 14 février 2013. Paniqué, il n'aurait pas vérifié si elle était toujours couchée avant de tirer sur la porte des toilettes.

Le Parquet estime au contraire que le couple s'était violemment disputé et que c'est sciemment qu'il l'a tuée.

Après Sean Rens, le photographe de la police Barend van Staden est venu préciser à quelle heure avaient été pris de très nombreux clichés quelques heures après le meurtre de Reeva Steenkamp.

Le procureur répondait ainsi à l'avocat de la défense Barry Roux, qui a une fois de plus mis en cause vendredi les erreurs de débutants commises par des enquêteurs, qui ont souillé des pièces à conviction après le drame de la Saint-Valentin.

Un policier avait raconté vendredi que l'arme du crime avait été manipulée sans gants, que la porte des toilettes transpercée par les balles de Pistorius avait été transportée pendant une dizaine de jours dans son bureau - et avait de ce fait été endommagée -, et même qu'une montre de prix avait mystérieusement disparu de la maison de l'athlète, sans doute volée par les enquêteurs.

Très médiatisé et diffusé en direct à la télévision, le procès de l'athlète devrait se prolonger en avril, vu que la lente procession des témoignages ne sera sans doute pas bouclée d'ici jeudi comme prévu.

De nombreux témoins sont encore attendus à la barre, de même bien sûr qu'Oscar Pistorius lui-même, puis l'avocat Barry Roux et le procureur Gerrie Nel concluront les débats avant que la juge Thokozile Masipa ne prépare son verdict.