Proxénète ou simple libertin? La justice française dit vendredi si l'ancien patron du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a enfreint la loi en participant à des parties fines avec des prostituées.

Près de quatre mois après la fin des audiences, l'ancien favori à la présidentielle française de 2012 revient devant le tribunal correctionnel de Lille (nord) fort d'une relaxe (acquittement) requise à son égard.

Outre DSK, le tribunal a entendu pendant près de trois semaines 13 personnes accusées de «proxénétisme aggravé», dont un propriétaire de maisons closes, un ancien commissaire de police et des entrepreneurs du nord de la France.

Dans ce petit groupe, Dominique Strauss-Kahn, 66 ans aujourd'hui, est soupçonné d'avoir été «le roi de la fête» lors de soirées avec des prostituées organisées à Lille, en Belgique et à Washington, où siège le FMI.

Jugé trois ans et demi après le scandale sexuel de l'hôtel Sofitel de New York qui a brisé sa carrière politique, l'ancien politicien vedette encourt jusqu'à 10 ans de prison et 1,5 million euros (plus de 2 millions de dollars) d'amende.

À l'issue des audiences, le procureur a toutefois requis la relaxe «pure et simple» pour l'ancien ministre socialiste, estimant que les preuves manquaient à son encontre.

Deux des prostituées qui figuraient parmi les plaignants ont également renoncé à plaider contre lui, estimant que l'infraction n'était «pas qualifiée».

DSK n'a jamais nié sa participation aux soirées «libertines» en cause. Mais il a toujours affirmé qu'il ignorait que ses amis avaient embauché et payé certaines des participantes pour lui faire plaisir.

En France, recourir à une prostituée n'est pas répréhensible, mais inciter ou organiser leur travail est considéré comme du proxénétisme et donc illégal.

«Boucherie» ou «fête»?

Dès le début du procès, le président du tribunal avait appelé les intervenants à ne pas confondre le droit et la morale.

À la fin, il les a remerciés pour le «climat serein» qui a présidé aux échanges, même si les témoignages des prostituées ont jeté une lumière crue sur les pratiques sexuelles de l'ancien ministre socialiste.

Une des prostituées, «Jade», a comparé un de leurs rapports sexuels à «une boucherie», parlant encore d'un «empalement de l'intérieur».

À la barre, DSK n'a pas paru véritablement déstabilisé, assumant ses pratiques sexuelles. Assumant son goût pour une sexualité de groupe, il a parlé de «séances de récréation», loin de «l'abattage» évoqué. Il a aussi fait part de son aversion pour le recours aux travailleuses du sexe: «Ça ne me plaît pas, parce que j'aime que ce soit la fête».

Lors de sa dernière prise de parole, il a «remercié» le tribunal. «Durant ces audiences, c'est la première fois dans la procédure que j'ai pu m'exprimer et que j'ai eu le sentiment d'être écouté», a-t-il dit.

Si le procureur a requis la relaxe pour l'ancien patron du FMI, il a réclamé un an de prison ferme pour un propriétaire de maisons closes en Belgique connu sous le sobriquet de «Dodo la Saumure», et de 3 à 15 mois avec sursis contre cinq autres prévenus.

Au-delà de ces hommes, le procès très médiatisé du «Carlton», du nom de l'hôtel de luxe où travaillait un des protagonistes, a permis d'éclairer le public sur le monde de la prostitution et des «escortes».

«Ce qui m'a frappé, c'est l'absence totale de considération pour les femmes qui sont reléguées au simple (état) d'objet de plaisir», avait souligné le procureur, Frédéric Fèvre, dans son réquisitoire.

«C'était un procès du proxénétisme, c'était un procès de la prostitution, c'était un procès de notre société quant au regard que nous jetons, sur la banalisation des corps», avait ajouté Me Emmanuel Daoud, avocat du Nid, une association de lutte contre la prostitution.