Jugé en France dans une affaire de proxénétisme près de quatre ans après la tonitruante affaire du Sofitel de New York, l'ex-patron du FMI Dominique Strauss-Kahn a nié lundi devant le tribunal connaître deux des principaux accusés qui comparaissent avec lui.

Appelé brièvement la barre au premier jour du procès pour proxénétisme aggravé qui s'est ouvert à Lille, «DSK» a affirmé n'avoir jamais rencontré le proxénète «Dodo la Saumure» ni René Kojfer, considérés par l'accusation comme les organisateurs de parties fines avec des prostituées auxquelles il aurait participé.

Il a aussi assuré n'être «jamais» allé au Carlton, l'hôtel de luxe de Lille qui a donné son nom à l'affaire parce que René Kojfer, son chargé des relations publiques, est soupçonné d'y avoir fait venir des prostituées.

Pendant la première audience consacrée à des questions de procédure, l'ancien numéro un du Fonds monétaire international, qui comparaît avec treize autres prévenus, est apparu les traits marqués, mais détendu, devisant avec son voisin ou pianotant sur son téléphone.

Le procès est entièrement public, les magistrats du tribunal correctionnel de Lille ayant refusé le huis clos partiel réclamé par une des plaignantes avec le soutien du procureur. Le tribunal va entrer dans le vif du sujet mardi matin avec l'interrogatoire sur le fond de René Kojfer.

Celui de Dominique Strauss-Kahn n'est pas prévu avant le milieu de semaine prochaine. Le procès doit durer au moins trois semaines.

Accusé d'être le principal bénéficiaire et instigateur de soirées libertines à Paris et Washington, M. Strauss-Kahn, 65 ans, longtemps favori des sondages pour la présidentielle de 2012 en France, risque jusqu'à dix ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.

Le procureur s'était prononcé pour un abandon des poursuites à son encontre en estimant qu'il n'était qu'un «bénéficiaire» de la prostitution, mais pas un organisateur. Les juges en ont décidé autrement.

Ils ont estimé que DSK ne pouvait ignorer que les femmes qu'on lui présentait lors de parties fines étaient des prostituées rémunérées, et que ces soirées étaient organisées spécialement pour lui, en faisant «le roi de la fête».

Une salle de presse équipée de quatre écrans géants a été installée au rez-de-chaussée du Palais de justice de Lille pour accueillir quelque 300 journalistes, dont ceux d'une vingtaine de médias étrangers, attirés par le destin hors du commun de celui qui fut, à la tête du FMI, l'un des hommes les plus puissants de la planète.

La défense de Dominique Strauss-Kahn n'a pas varié: il était adepte du libertinage, pas amateur de prostituées, et ignorait que les jeunes femmes participant aux soirées étaient des professionnelles.

«C'est vraiment nous faire croire qu'il est naïf», a rétorqué «Jade», l'une des prostituées interrogées pendant l'enquête, particulièrement sévère contre DSK, selon une source judiciaire.

«Jade» est l'une des deux seules prostituées à s'être portées partie civile dans un premier temps, mais deux autres souhaitent les rejoindre, selon une association qui les soutient.

Renseignements anonymes

L'obsession de cet ancien ministre pour les femmes a déjà anéanti sa carrière politique.

L'affaire du Carlton a commencé parallèlement au scandale de New York, lorsqu'une femme de chambre d'un grand hôtel, le Sofitel, l'a accusé de viol.

Les images de DSK menotté et encadré de policiers ont alors tourné en boucle dans le monde entier. Le dossier s'achève par un accord financier confidentiel entre DSK et son accusatrice, Nafissatou Diallo.

L'enquête dans le scandale du Carlton avait été ouverte par la police de Lille, sur des renseignements anonymes concernant les fréquentations de l'hôtel et d'un autre établissement de Lille où René Kojfer était soupçonné de faire venir des prostituées pour satisfaire quelques clients.

La surveillance mise en place et les écoutes téléphoniques font sortir peu à peu des noms, dont celui de Dominique Strauss-Kahn, lâché fortuitement au détour d'une conversation.

Les enquêteurs remontent un réseau de notables qu'ils soupçonnent de profiter des jeunes femmes mises à leur disposition par le chargé des relations publiques. Parmi eux, David Roquet, un hommes d'affaires, et Fabrice Paszkowski, un entrepreneur spécialisé dans le matériel médical.

Ces derniers font partie d'un cercle amical, libertin, auquel viennent s'ajouter Jean-Christophe Lagarde, un policier, et Dominique Strauss-Kahn.

Selon l'accusation, les quatre hommes se sont retrouvés à l'occasion de plusieurs soirées, dans le nord mais aussi à Paris ou encore à Washington, siège du FMI, où trois voyages ont été organisés alors que DSK dirigeait encore l'institution.