La justice américaine a décidé vendredi de libérer Dominique Strauss-Kahn sur parole, mais sans abandonner les poursuites pour crimes sexuels contre l'ancien chef du FMI, malgré des révélations sur le témoignage de son accusatrice qui la décrédibilisent.

Un mois et demi après l'arrestation à New York de l'ancien favori de l'élection présidentielle française, le juge Michael Obus a levé l'assignation à résidence de DSK, à la demande du procureur, qui a établi que l'accusatrice avait fait un récit «erroné» de l'agression présumée.

Toutes les dispositions du placement de M. Strauss-Kahn en liberté surveillée ont été levées, hormis le fait que la justice conserve son passeport, ce qui lui interdit de quitter le pays. Mais il peut sortir de New York, il n'a plus à porter de bracelet électronique et a le droit de s'adresser à la presse, a indiqué à l'AFP le bureau du procureur chargé du dossier.

Les accusations d'une femme de chambre du Sofitel de Manhattan ont valu quatre nuits de prison à M. Strauss-Kahn. Elles lui ont coûté son poste de directeur général du Fonds monétaire international et compromis ses chances de participer à la présidentielle de 2012.

Lors d'une audience surprise de moins de dix minutes au tribunal pénal de Manhattan, le juge a ordonné la restitution de la caution de six millions de dollars qui lui avait été imposée.

Mais le procureur a refusé d'abandonner les poursuites, expliquant que le dossier «n'était pas clos». La prochaine audience reste fixée au 18 juillet.

«Merci votre honneur», a déclaré l'accusé à la fin de l'audience, avant de quitter souriant le tribunal en tenant l'épaule de sa femme Anne Sinclair. Le couple a rapidement regagné en voiture son domicile tout proche où M. Strauss-Kahn était assigné à résidence depuis fin mai et où il prenait à sa charge ses propres frais de surveillance, évalués à 250 000 dollars par mois.

«Inquiétudes» pour la crédibilité de la plaignante

«L'enquête a soulevé des inquiétudes concernant la crédibilité de la plaignante», a déclaré devant la presse le procureur Cyrus Vance. Mais l'audience de ce vendredi «n'annule aucun des chefs d'accusation portés contre l'accusé», a-t-il ajouté devant la presse à la sortie du tribunal.

M. Strauss-Kahn, qui vient d'être remplacé à la tête du FMI par sa compatriote Christine Lagarde, a plaidé non coupable le 6 juin de sept chefs d'accusation, dont tentative de viol (pénétration), acte sexuel illégal (fellation forcée) et séquestration.

Un de ses avocats, William Taylor, a assuré devant les journalistes avoir «la conviction» que son client serait acquitté de l'accusation de la femme de chambre guinéenne de 32 ans. Cette dernière affirme que M. Strauss-Kahn a tenté de la violer le 14 mai dans sa suite du Sofitel.

Dans une lettre adressée jeudi aux avocats de l'ex-patron du FMI, le bureau du procureur a précisé que la plaignante avait reconnu que «son récit était erroné». Contrairement à ce qu'elle avait d'abord dit à la justice sous serment, elle a, après l'agression présumée dans la suite 2806, nettoyé une chambre voisine puis est retournée dans la suite avant de rapporter l'incident à son supérieur.

Même l'avocat de la femme de chambre, Kenneth Thompson, a admis que l'affaire paraissait compromise. «Nous pensons que le procureur du district pose les fondements d'un non-lieu», a reconnu Me Thompson. Il a cependant maintenu les accusations de sa cliente, assurant qu'elle n'avait pas «changé un seul mot» à sa version des faits. Il a précisé avoir «des preuves matérielles» des crimes sexuels reprochés à l'ancien ministre.

Me Thompson a rapporté que sa cliente lui avait dit: «Je vais me montrer devant les caméras pour dire au monde entier ce qu'a fait Dominique Strauss-Kahn».

Le dossier «sur le point de s'effondrer»

D'après le New York Times, qui a révélé jeudi soir que le dossier d'accusation était «sur le point de s'effondrer», il ne fait pas de doute qu'une relation sexuelle a bien eu lieu entre l'ancien patron du FMI et son accusatrice.

Mais les enquêteurs soupçonnent la jeune femme d'être impliquée dans des activités criminelles tels que trafic de stupéfiants et blanchiment d'argent. Plusieurs individus ont déposé, au cours des deux dernières années, de l'argent liquide, pour un total de 100 000 dollars, sur son compte en banque, selon le très sérieux quotidien américain. Elle aurait aussi menti dans sa demande d'asile aux États-Unis, où elle vit depuis 2002.

Lors d'une conversation téléphonique avec un homme condamné pour trafic de drogue, «elle a discuté de l'intérêt de poursuivre les accusations» contre M. Strauss-Kahn moins de 24 heures après le début du scandale, a ajouté le journal. Cette conversation a été enregistrée par les enquêteurs.

L'avocat de la plaignante a qualifié de «mensonges» les informations selon lesquelles elle serait mêlée à des trafiquants de drogue.

Depuis la Guinée, un de ses frères a aussi catégoriquement rejeté les informations du quotidien. «C'est archi-faux. Nous sommes des descendants d'érudits musulmans très pieux, nous ne pouvons pas nous laisser emporter par le gain facile de l'argent», a expliqué Mamadou Dian Diallo.

Dès le début de l'affaire, des rumeurs circulaient sur une possible machination ourdie par des rivaux politiques. Mais rien ne permet d'appuyer cette version des faits, selon les enquêteurs cités par le New York Times.

En France, où ce dernier rebondissement a fait l'effet d'un «coup de tonnerre», selon l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, des amis de M. Strauss-Kahn ont, sans attendre, évoqué un report du processus des primaires qui doivent désigner le candidat du Parti socialiste pour 2012.

Le porte-parole du PS, Benoît Hamon, a cependant indiqué qu'une telle éventualité n'était pas à l'ordre du jour. La première secrétaire du parti, Martine Aubry, vient d'annoncer cette semaine sa candidature, alors qu'elle avait exclu de se présenter contre M. Strauss-Kahn.

François Hollande, qui envisage aussi de se présenter, s'est dit ouvert à un report de la date de dépôt des candidatures.