Dominique Strauss-Kahn, accusé de crimes sexuels par une employée d'hôtel à New York, a invoqué l'immunité diplomatique lors de son arrestation, mais s'est vite adapté aux circonstances et a demandé un sandwich, selon un compte-rendu publié jeudi par le procureur de Manhattan.

Ce document de sept pages, fascinant mais anecdotique, n'apporte pas d'élément à charge ou à décharge pour l'ancien patron du Fonds monétaire international (FMI), qui vit en résidence surveillée à New York dans l'attente d'un procès où il devra affronter sa victime présumée.

Celle ci, une femme de chambre guinéenne de l'hôtel Sofitel, âgée de 32 ans, l'accuse d'agression sexuelle et de tentative de viol. M. Strauss-Kahn nie les faits qui lui sont reprochés et a plaidé non-coupable le 6 juin dernier, ouvrant la voie à un procès.

Le document publié jeudi par le bureau du procureur, et dont une copie a été adressée aux avocats de M. Strauss-Kahn, qui semblent l'avoir réclamée, révèle certaines conversations que DSK a eues -- avec la police, surtout -- entre le moment où il a appelé l'hôtel Sofitel depuis l'aéroport JFK, pour réclamer un téléphone portable qu'il aurait oublié, jusqu'au soir du 15 mai, au moment où il a demandé un sandwich dans le commissariat spécial de Harlem (nord) où il était entendu.

«Bonjour comment allez vous? J'ai laissé mon téléphone portable dans la suite 2806», dit DSK à la personne responsable des objets trouvés à l'hôtel Sofitel. «Je vais voir, comment puis je vous rappeler si vous l'avez laissé ici?» «Je vais vous donner un autre numéro», répond l'ancien ministre français.

Ensuite, l'employé lui dit avoir trouvé le téléphone. «J'ai besoin de savoir où vous êtes pour le faire rapporter», dit-il. «A JFK», répond Dominique Strauss-Kahn. «OK, je peux prendre un taxi et être là dans 40 minutes.» «OK, terminal Air France, porte 4, vol 23», répond DSK.

Puis les détectives entrent en jeu. Dominique Strauss-Kahn leur demande par téléphone, sans doute sans savoir qu'il s'agit de policiers, quand ils comptent arriver avec son portable.

Au moment où il est interpellé par le sergent Raymond DiLena et le détective Diwan Maharaj, M. Strauss-Kahn est apparemment dans l'avion.

«Que se passe-t-il?», demande l'ancien ministre français.

«La police de New York souhaite vous interroger au sujet d'un incident qui s'est produit en ville dans un hôtel», dit le sergent DiLena.

À ce moment là, M. Strauss-Kahn ne répond pas, indique le document.

Le récit se poursuit au commissariat de l'aéroport, où Dominique Strauss-Kahn assure qu'il bénéficie de l'immunité diplomatique. Prié de vider ses poches, de tout poser sur la table, il refuse de l'eau, demande à utiliser les toilettes, et indique qu'il a «un passeport diplomatique».

«Où est-il?», demande alors Diwan Maharaj. «J'ai un second passeport», répond M. Strauss-Kahn.

«Puis-je parler avec un représentant du Consulat de France? Que se passe-t-il?», interroge ensuite DSK.

Selon la retranscription de ces dialogues, le 14 mai à environ 17H00 locales (21H00 GMT), toujours au commissariat de l'aéroport John F. Kennedy, M. Strauss-Kahn parle avec deux agents.

DSK leur demande si les menottes qu'on lui a passées «sont nécessaires».

«Oui, elles le sont», lui répond M. Maharaj.

En route ensuite vers le commissariat spécialisé dans les crimes à caractère sexuel à Harlem, Dominique Strauss-Kahn dit qu'il doit téléphoner pour avertir qu'il ne sera pas présent à une réunion le lendemain. Le patron du FMI était attendu en Europe pour s'entretenir notamment avec la chancelière allemande Angela Merkel et discuter de l'aide à la Grèce.

Il ajoute: «ces menottes sont serrées».

Un peu plus tard, au commissariat, un agent dit à DSK: «Dans ce pays, vous avez le droit (à un avocat, ndlr) si vous le voulez, j'ignore si vous avez un quelconque statut diplomatique». M. Strauss-Kahn lui répond: «non, non, non, je n'essaye pas d'utiliser cela, je veux juste savoir si j'ai besoin d'un avocat». Réponse du policier: «à vous de décider».

Un peu plus tard, le détective Steven Lane lui demande s'il veut parler. «Mon avocat m'a dit de ne pas parler. J'étais prêt à le faire», rétorque DSK.

Après avoir dit le 14 mai à 23H20 qu'il n'avait pas faim, le lendemain matin à 9H00, Dominique Strauss-Kahn demandera d'abord des oeufs, puis un sandwich douze heures après, vers 21H20.