L'ancien chef du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn, accusé de crimes sexuels, passait sa première nuit en liberté très surveillée samedi dans l'immeuble de Manhattan où il va résider temporairement, après avoir quitté la prison de Rikers Island.

DSK a troqué sa cellule d'isolement pour un appartement chic new-yorkais, où il peut voir famille et amis, mais sous surveillance constante. Il a passé en tout quatre nuits humiliantes à la prison géante de Rikers.

«Je n'aime pas vraiment ça (qu'il soit là). Je trouve ça un peu effrayant», a lancé Gemma Harding, une habitante dont la tenue de soirée a aimanté les flashes des nombreux photographes devant la résidence temporaire de M. Strauss-Kahn.

Nicole Mitrovic, 23 ans, qui revient de son cours de yoga, est abasourdie. «Ça ne me dit trop rien. Est-il bien surveillé? En tant que femme je me sens un peu inquiète, je vais rester vigilante.»

La jeune femme d'origine guinéenne qui accuse DSK, dont le nom n'a pas été publié sauf par certains médias français, est «effrayée» par la libération de son agresseur présumé, a déclaré son avocat, Jeff Shapiro.

L'arrivée de l'ancien ministre français dans cet immeuble du sud de Broadway, près de Ground Zero, site des tours jumelles détruites lors des attentats du 11-Septembre, a été confirmée par la police.

«Il est ici», a dit à l'AFP un policier sous couvert de l'anonymat, pendant que ses confrères érigeaient des barricades métalliques afin de tenir à distance les journalistes.

Dominique Strauss-Kahn est sorti de prison après qu'un juge new-yorkais eut approuvé tous les documents fixant les conditions qui accompagnent sa libération conditionnelle.

Plusieurs adresses ont été successivement indiquées pour ce logement où résidera de manière temporaire l'ancien patron du FMI, accusé d'agression sexuelle et de tentative de viol le 14 mai contre la femme de ménage de 32 ans de l'hôtel Sofitel de Manhattan. Il nie les faits.

M. Strauss-Kahn devait s'établir dans un appartement sur la 65e rue à Manhattan, mais le lieu a dû être changé en raison de «l'invasion» de journalistes qui a dérangé le voisinage, a indiqué son avocat, William Taylor.

L'ancien ministre de 62 ans restera «quelques jours», selon le juge Michael Obus de la cour suprême de New York, dans cet appartement, qui appartient selon la presse locale à la société Stroz Friedberg chargée d'assurer sa mise en résidence surveillée.

Il ne pourra sortir de cette résidence temporaire, à moins d'un cas de force majeure.

M. Strauss-Kahn quittera ensuite cet appartement pour un autre permanent duquel il pourra sortir pour des raisons spécifiques - audiences, rendez-vous d'avocats, visites chez le médecin ou à la synagogue - s'il en fait la demande au moins six heures à l'avance, selon la justice new-yorkaise. Et il ne pourra pas sortir entre 22H00 à 06H00 du matin.

Le juge Michael Obus avait signé vendredi l'ordonnance de libération de Dominique Strauss-Kahn, écroué depuis lundi à la prison de Rikers Island, après que ses avocats et son garant judiciaire eurent remis la caution d'un million de dollars, ainsi qu'un dépôt de garantie de cinq millions.

La justice avait autorisé jeudi sa libération si un ensemble de conditions étaient respectées. Outre la caution et le dépôt de garantie, ce dernier devait prouver qu'il allait vivre dans une résidence de Manhattan sous surveillance 24 heures sur 24.

La prochaine convocation de M. Strauss-Kahn devant la justice a été fixée au 6 juin. Lors de cette audition, il devra plaider coupable ou non coupable des sept chefs d'accusation pesant contre lui.

S'il plaide coupable, il n'y aura pas de procès, mais une condamnation à plusieurs années de prison, dont le nombre sera négocié avec le juge. S'il plaide non coupable, comme ses avocats l'ont suggéré, un procès aura lieu.

En France, l'écrivaine et journaliste Tristane Banon, qui a affirmé avoir été agressée sexuellement en 2002 par Dominique Strauss-Kahn, a renoncé à le poursuivre et n'ira pas témoigner contre lui aux États-Unis.

Elle a fait savoir par le truchement de son avocat, Me David Koubbi, qu'elle réservait «à plus tard» sa décision de porter plainte. Mais, dans tous les cas, d'éventuels faits criminels intervenus en 2002 seraient prescrits en 2012.

Pendant ce temps, les spéculations continuaient d'aller bon train sur la succession de M. Strauss-Kahn à la tête du FMI. Selon une source européenne, la Française Christine Lagarde est «quasiment intronisée» comme candidate de l'Union européenne. Le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble lui a apporté samedi son soutien.

Le FMI a annoncé vendredi qu'il ouvrirait lundi et jusqu'au 10 juin les candidatures au poste de directeur général et qu'il se fixait pour «objectif» de désigner son numéro un «d'ici au 30 juin».

Il a par ailleurs réfuté vendredi un article du New York Times décrivant les relations entre salariés de l'institution comme marquées par la clémence vis-à-vis du harcèlement sexuel.

Quant à l'avenir politique français de l'ex-favori des sondages, «sur le plan politique, ce sera à Dominique Strauss-Kahn et à lui seul» de dire «s'il peut ou ne peut plus être candidat à la primaire du PS», a déclaré François Hollande, lui-même candidat aux primaires, prenant le contrepied des socialistes ayant déjà tiré un trait sur une candidature de DSK.