Shaul Arieli suit la barrière de protection depuis ses tout premiers barbelés. Ce colonel israélien à la retraite travaillait pour l'ex-premier ministre Itzhak Rabin à l'époque où celui-ci a évoqué pour la première fois l'idée d'une barrière pour protéger Israël contre les attentats du Hamas.

Quand les bulldozers ont commencé à remuer la terre pour y planter les premiers pans du mur, l'ancien militaire s'est joint au Conseil pour la paix et la sécurité, une ONG israélienne qui regroupe d'ex-officiers de Tsahal. Et qui n'en finit plus de se battre contre le mur.

Crâne lisse, carrure athlétique, Shaul Arieli a signé un livre intitulé La folie du mur. Et il affirme sur toutes les tribunes que, à moyen terme, la barrière met en péril la sécurité de l'État hébreu.

Paradoxal? Pas du tout, rétorque-t-il. Car Shaul Arieli n'a rien contre l'idée d'entourer son pays d'une clôture insurmontable. Si les attentats contre les civils ont baissé de 95%, c'est d'ailleurs en bonne partie grâce au mur, reconnaît-il. Mais le hic, c'est que, en s'éloignant de la frontière reconnue d'Israël, le mur crée de nouvelles menaces.

Que cherche au juste le gouvernement israélien quand il pousse la ligne du mur à 10 ou 20km à l'intérieur de la Cisjordanie? «Sous prétexte de sécurité, il veut s'approprier le plus de territoire possible pour définir la frontière définitive et maximale d'Israël.»

Cette stratégie risque de faire boomerang, avertit Shaul Arieli. Il craint que, à force de gruger la Cisjordanie, il n'y reste plus assez de territoire pour créer un État palestinien viable. Ce scénario mène fatalement vers l'avènement d'un seul État binational - où les Juifs seraient rapidement minoritaires.

Les tribunaux ont forcé à plusieurs reprises le gouvernement à revoir le tracé du mur. Les premiers plans annexaient 20% de la Cisjordanie à Israël. Le nouveau tracé, toujours inachevé, ne s'approprierait plus que 9% de terres palestiniennes.

Devant les décisions des juges, et aussi à cause des coûts - la barrière a déjà englouti plus de deux milliards et demi de dollars - Israël a suspendu la construction du mur, il y a deux ans.

Selon Shaul Arieli, le gouvernement se trouve dans un cul-de-sac. « S'il continue à construire selon ses plans, les tribunaux l'obligeront à refaire le tracé. Mais s'il change les plans, le gouvernement aura les colons et l'extrême droite sur le dos.»

Ainsi donc, le mur fonce... vers un mur.