Malgré les troubles, Frank Martin nourrit de beaux souvenirs d'enfance. Dans les années 60, ses parents ont emménagé à Springfield Park, une nouvelle rue de l'ouest de Belfast, où catholiques et protestants se mêlaient volontiers. Ces jeunes familles étaient prêtes à mettre leurs différences de côté pour vivre leur rêve d'une première maison en banlieue, avec petit jardin, air frais et vue sur les collines.

M. Martin se souvient aussi de ce matin d'août 1971, des coups de feu, des magasins pillés, des maisons brûlées, de la fuite éperdue. Springfield Park est devenue une zone interdite, infestée de paramilitaires et de tireurs embusqués. Puis, en 1994, on y a érigé un énorme mur en briques rouges, à l'endroit précis où s'élevaient les maisons. On l'appelle le « mur d'un million de briques». Parfois, M. Martin retourne à Springfield Park. «Pour moi, c'est comme aller au cimetière. Les troubles sont finis, mais je pense qu'il faut se souvenir de l'histoire pour apprendre d'elle. Si on balaie tout sous le tapis, on risque d'inviter le conflit à revenir.»

M. Martin ne souhaite pas voir disparaître le mur d'un million de briques. À ses yeux, c'est un «monument»à la folie des hommes. «J'y vais pour me souvenir et réfléchir. Parce que Springfield Park était la dernière communauté à laquelle j'ai vraiment eu l'impression d'appartenir.»