Le principal parti séculier de Tunisie s'est dit confiant dans sa victoire aux législatives de dimanche, sans attendre les résultats officiels de ce scrutin crucial pour un pays présenté comme la «lueur d'espoir» d'une région tourmentée.

L'instance organisant les élections (ISIE) pourrait annoncer de premiers résultats partiels lundi mais elle a jusqu'au 30 octobre pour prononcer son verdict définitif.

Le chef du principal parti séculier, Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, s'est cependant dit optimiste: «Nous avons des indicateurs positifs selon lesquels Nidaa Tounès pourrait être en tête», a-t-il dit à la presse.

«Nous ne pouvons parler des résultats de ces élections qu'une fois qu'ils seront annoncés officiellement», a-t-il néanmoins tempéré.

Le parti islamiste Ennahda, l'autre favori du scrutin, n'a pas voulu s'avancer, excluant «de donner des prévisions de résultats» et appelant «la classe politique à la patience».

L'ISIE a annoncé un taux de participation encore provisoire de 61,8%, soit un peu plus de trois millions d'électeurs à travers le pays. Quelque 4,3 millions de Tunisiens avaient voté lors de l'élection de l'Assemblée constituante en 2011, remportée par Ennahda.

Ce vote est crucial car il doit permettre à la Tunisie de se doter d'institutions pérennes près de quatre ans après le soulèvement qui donna le coup d'envoi au Printemps arabe, mais nombre d'observateurs misaient sur une abstention importante compte tenu de l'ampleur des espoirs déçus en Tunisie.

Le pays souffre toujours de profondes difficultés économiques et sociales, facteurs clés de la révolution qui chassa en janvier 2011 Zine El Abidine Ben Ali du pouvoir. Il a aussi traversé une profonde crise politique en 2013, notamment en raison de l'essor depuis 2011 de groupes djihadistes responsables selon les autorités de la mort de dizaines de policiers et militaires ainsi que de deux opposants à Ennahda.

L'ensemble de la classe politique a d'ailleurs axé la campagne sur deux grands thèmes: la sécurité et l'économie.

Dans les bureaux de vote, l'ambiance était néanmoins au beau fixe, les électeurs se félicitant les uns les autres après avoir glissé un bulletin dans l'urne et trempé leur index gauche dans de l'encre indélébile.

«C'est par devoir que je suis venue voter et non par conviction dans les listes en lice», a toutefois admis Safa Helali, une enseignante de 27 ans, reflétant la méfiance de nombreux Tunisiens envers les partis politiques.

Scrutin «satisfaisant»

Malgré les craintes de troubles, notamment d'attaques djihadistes, le vote s'est déroulé sans incident majeur. Les autorités avaient déployé 80 000 policiers et soldats pour assurer la sécurité de ces élections qui doivent déterminer les 217 députés tunisiens pour les cinq ans à venir. Une présidentielle, la première depuis la révolution, est prévue le 23 novembre.

Pour la mission d'observation de l'Union européenne, le processus s'est dans l'ensemble déroulé de manière «plus que satisfaisante».

A Washington, le président américain Barack Obama a félicité les Tunisiens pour cette «étape importante dans la transition politique historique de la Tunisie», en promettant que son pays était engagé «à soutenir la démocratie en Tunisie» et «à établir un partenariat avec le prochain gouvernement pour promouvoir les opportunités économiques, protéger la liberté et assurer la sécurité de tous les Tunisiens».

Le Premier ministre Mehdi Jomaa a salué, lui, une «journée historique» et «une lueur d'espoir» dans la région, les autres pays du Printemps arabe étant pour l'essentiel plongés dans le chaos ou la répression.

Deux partis partent favoris: Ennahda, au pouvoir de fin 2011 à début 2014, et Nidaa Tounès, une formation hétéroclite rassemblant aussi bien d'anciens opposants au dictateur déchu Zine El Abidine Ben Ali que des caciques de son régime.

Mais le mode de scrutin -la proportionnelle au plus fort reste- favorisant les petites formations, les principales forces politiques ont d'ores et déjà souligné qu'aucun parti n'aurait de majorité pour gouverner seul.

Ennahda, qui a dû quitter le pouvoir début 2014 à l'issue d'une année 2013 marquée par les crises, dit vouloir former un cabinet consensuel, assurant même être prêt à une alliance de circonstance avec Nidaa Tounès.

Le grand parti séculier, qui se pose en unique alternative à Ennahda et le qualifie régulièrement de parti obscurantiste, prévoit en cas de victoire de former une coalition avec des formations idéologiquement proches. Il n'a pas non plus exclu de collaborer avec les islamistes.