La torture persiste en Tunisie en dépit de la volonté affichée des autorités de mettre fin à cette pratique largement répandue sous le régime de Ben Ali, a affirmé vendredi le rapporteur des Nations unies sur la question, Juan E. Méndez.

Il y a certes «des développements très encourageants» dans le domaine des droits de l'Homme, a dit M. Méndez lors d'une conférence de presse à Tunis, en citant notamment la création de l'Instance Vérité et Dignité, chargée de mettre en place la «justice transitionnelle» en recensant et indemnisant les victimes des abus depuis 1955.

Mais «je dois dire qu'il y a des résultats plus décevants quand on en vient spécifiquement à la torture (...). Beaucoup de plaintes ont été déposées parce que les gens n'ont plus peur de porter plainte, mais malheureusement il y a très peu de suivi de la part des procureurs et des juges», a-t-il ajouté.

Selon plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme, le recours aux mauvais traitements persiste dans les prisons tunisiennes, malgré la chute du régime autoritaire de Zine El Abdidine Ben Ali en janvier 2011.

Les autorités reconnaissent l'existence d'affaires de torture ces dernières années, mais parlent de «cas isolés».

«Il est difficile de savoir à quel point la pratique est répandue, mais elle n'est certainement pas isolée», a dit M. Méndez, qui a parlé à des victimes de torture ainsi qu'aux ministres de l'Intérieur et de la Justice lors de sa courte visite en Tunisie.

«La volonté politique se démontre avec des actions spécifiques et je crains que les actions spécifiques concernant la prévention et la punition de la torture ne se fassent attendre», a déclaré le responsable onusien.

M. Méndez a expliqué que dans plusieurs pays ayant connu la dictature, la persistance de la torture s'expliquait notamment par «la mauvaise habitude» de la police d'y recourir «en tant que raccourci dans l'enquête».

Éliminer la torture requiert entre autres, selon lui, «une attention spécifique et cela commence par le fait de reconnaître qu'il y a un problème».

Aucune enquête globale sur les méthodes de la police sous l'ancien régime n'a abouti, et selon les ONG de nombreux responsables de sévices infligés aux détenus sont toujours en place au sein des forces de l'ordre.

Concernant les prisons tunisiennes, M. Méndez a affirmé que le surpeuplement carcéral s'était encore aggravé au cours des trois ans écoulés depuis sa dernière visite.

Le rapporteur de l'ONU a aussi affirmé que la Tunisie ne comptait que 23 médecins permanents et 24 infirmières pour 24 000 prisonniers - «et zéro psychologue».

Il a appelé les autorités tunisiennes à investir pour réhabiliter les prisons afin de garantir «la dignité» des prisonniers, ainsi qu'à engager et former davantage de personnel.