Mehdi Jomaâ, chargé vendredi de former un cabinet d'indépendants pour conduire la Tunisie vers des élections en 2014, a prévenu qu'il ne ferait pas de «miracles», le pays étant déstabilisé par des crises politique et économique.

À la suite de sa nomination par le président Moncef Marzouki au lendemain de la démission d'Ali Larayedh actant le départ volontaire du pouvoir des islamistes d'Ennahda, M. Jomaâ a quinze jours pour former son équipe.

«Je ferai de mon mieux, mais je ne vais pas faire de miracles, je ferai tous les efforts, tout comme mon équipe», a-t-il dit, dans un bref discours télévisé de cinq minutes.

Il a aussi promis de former le plus vite possible un cabinet «indépendant et neutre n'ayant aucune animosité envers un courant ou un parti».

«Les difficultés que traversent le pays sont telles qu'on ne peut pas les résoudre sans une atmosphère de confiance», a ajouté M. Jomaâ, une référence au profond climat de méfiance qui caractérise la vie politique tunisienne et notamment les relations entre les islamistes, majoritaires à la Constituante, et leurs détracteurs.

La désignation de Mehdi Jomaâ, ministre sortant de l'Industrie méconnu du public, était acquise depuis la mi-décembre à la suite d'un accord politique pour sortir de la profonde crise déclenchée par l'assassinat en juillet, attribué à un groupe djihadiste, de l'opposant Mohamed Brahmi.

Après des mois d'imbroglio politique, la formation d'une instance électorale et le lancement de la procédure d'adoption de la Constitution ont réuni les conditions pour la démission d'Ali Larayedh.

«Le plus dur vient de commencer»

Pour les journaux de vendredi, M. Jomaâ aura fort à faire, entre les conflits sociaux, une économie en berne, l'essor depuis la révolution de 2011 de groupes djihadistes et l'organisation d'élections à une date indéterminée en 2014.

Quelques heures avant sa démission, M. Larayedh a néanmoins voulu désamorcer quelque peu les tensions sociales en suspendant une série de nouvelles taxes sur les transports ayant déclenché une vague de protestations violentes dans le pays cette semaine, en particulier dans les régions intérieures déshéritées, moteurs de la révolution de 2011.

«Le plus dur vient de commencer», prévient Le Quotidien, pour qui M. Jomaâ hérite d'un «cadeau empoisonné».

«Des soulèvements dans tous les coins du pays, une économie agonisante et une situation sécuritaire précaire, le futur gouvernement aura bien du pain sur la planche pour relancer le pays», relève ce journal.

La sortie de crise passe aussi par l'adoption de la Constitution, que la classe politique s'est engagée à approuver avant le 14 janvier, troisième anniversaire de la révolte qui lança le Printemps arabe.

Travail «jour et nuit»

De polémiques en disputes, les travaux de la Constituante ont été ralentis, si bien qu'après une semaine d'examen du projet article par article, les élus ont passé en revue environ un tiers du texte.

«Peut-être aurons-nous une heureuse surprise et la Constitution sera adoptée le 13 janvier. La fête de la révolution sera alors un événement crucial», a jugé Mustapha Ben Jaafar, le président de l'Assemblée.

Les «principes généraux» et les «droits et libertés» ont été approuvés, et les élus ont entamé vendredi l'examen des chapitres sur les institutions, en commençant par le pouvoir législatif.

Les articles 49 à 69 du projet dessinent les compétences d'un Parlement monocaméral élu pour cinq ans au suffrage universel direct, où l'opposition est définie comme «une composante essentielle».

Les élus partagent l'initiative des lois avec le président et le chef du gouvernement, qui est responsable devant les députés.

Une grande avancée du texte approuvée jeudi concerne les droits des femmes, le projet contenant le principe d'une égalité entre hommes et femmes et l'objectif d'une parité dans les assemblées élues, une exception dans le monde arabe.

À l'issue de cet examen, le texte global doit obtenir les voix des deux tiers des 217 députés à l'issue de deux lectures tout au plus, faute de quoi il sera soumis à un référendum.

Élue en octobre 2011, l'assemblée devait achever sa mission en un an, mais le processus a été ralenti par un climat politique délétère, l'essor de groupes djihadistes armés et des conflits sociaux.

Sur le plan économique, le futur gouvernement hérite d'une économie en berne et d'un chômage toujours endémique, facteur au coeur de la révolution.