Plusieurs dizaines de détracteurs du gouvernement tunisien dirigé par les islamistes d'Ennahda ont participé jeudi à une prière publique marquant la fin du ramadan devant l'Assemblée nationale constituante, où l'opposition manifeste depuis l'assassinat d'un opposant à l'origine d'une crise politique.

Certains manifestants effectuaient la prière de l'Aïd El-Fitr avec le drapeau tunisien en lieu et place de tapis de prière. Ils se sont ensuite rendus au cimetière où ont été inhumés le député d'opposition Mohamed Brahmi, assassiné le 25 juillet, et l'opposant Chokri Belaïd tué le 6 février dernier. Les veuves des deux hommes étaient présentes.

L'hétéroclite coalition d'opposition, qui organise des manifestations quotidiennes pour arracher la démission du gouvernement depuis la mort de Brahmi, a promis de continuer sa mobilisation malgré les quatre jours chômés qui suivent la fin du mois de jeûne.

La participation aux rassemblements était cependant en forte baisse mercredi soir avec quelques centaines de personnes présentes, contre des milliers les 10 jours précédents, et surtout des dizaines de milliers de manifestants le 6 août.

Sur le front politique, les tractations devraient reprendre après les fêtes, alors que les islamistes d'Ennahda ont accepté mercredi à contrecoeur la suspension des travaux de l'ANC par le président de l'assemblée Mustapha Ben Jaafar, annoncée mardi jusqu'à l'ouverture de négociations pour trouver une sortie de crise.

Le groupe parlementaire d'Ennahda a vivement critiqué jeudi dans un communiqué cette décision «illégale et inconstitutionnelle» prise «unilatéralement et sans consultation».

«Malgré ces réserves, (les élus islamistes) espèrent que cette initiative contribuera à soutenir le dialogue pour parvenir à des solutions de compromis», poursuit le communiqué.

Différents partis d'opposition, allant du centre-droit à l'extrême gauche, réclament la démission du cabinet dirigé par Ennahda et la mise en place d'un gouvernement de salut national formé par des personnalités indépendantes, ainsi que la dissolution de la Constituante.

Les islamistes ont proposé de leur côté une nouvelle fois mercredi un gouvernement d'union nationale regroupant tous les partis politiques. Par le passé, ils ont souligné qu'ils ne renonceraient pas au poste de premier ministre et n'accepteraient pas de dissolution au nom du respect de la légitimité électorale.

La puissante organisation syndicale UGTT, forte de 500 000 membres et capable de paralyser le pays, milite pour sa part pour un gouvernement de technocrates et souhaite le maintien de l'ANC, une position partagée par le patronat, Utica.

M. Ben Jaafar a appelé la centrale syndicale à parrainer les négociations entre les forces politiques.

L'opposition juge Ennahda responsable de l'essor de la mouvance salafiste depuis la révolution de 2011, et dont les attaques ne cessent de déstabiliser la Tunisie. Une opération militaire est d'ailleurs en cours depuis une semaine dans le Mont Chaambi (à la frontière algérienne) pour tenter d'y neutraliser un groupe armé qui serait lié à Al-Qaïda et accusé d'être responsable de la mort 14 soldats depuis décembre, dont 10 ont trouvé la mort depuis fin juillet.

Par ailleurs, près de deux ans après l'élection de l'ANC, aucun consensus n'a été trouvé sur la future constitution et une législation électorale, ce qui paralyse la mise en place d'institutions pérennes.