L'armée tunisienne poursuivait samedi son opération près de la frontière algérienne pour neutraliser un groupe armé «terroriste» responsable d'une embuscade sanglante qui a nourri les graves tensions et la crise politique déclenchées par l'assassinat d'un opposant.

Les autorités n'ont donné aucune information précise sur le déroulement de ces «opérations terrestres et aériennes» sur le mont Chaambi où l'armée traque depuis décembre un groupe appelé «Phalange Okba Ibn Nafaâ», soupçonné d'être lié à Al-Qaïda et de compter des vétérans de la rébellion islamiste du Nord-Mali.

C'est dans cette zone que huit militaires ont été sauvagement tués le 29 juillet dans une embuscade.

Signe de la tension dans ce secteur, l'armée algérienne a déployé «plus de 6500 soldats» pour sécuriser la frontière avec la Tunisie, selon le quotidien Ech-Chorouk.

Le premier ministre islamiste tunisien Ali Larayedh a refusé de s'exprimer sur ces opérations lors d'une conférence de presse convoquée après une réunion avec ses ministres régaliens et des représentants de partis politiques.

Il a une nouvelle fois appelé à «l'unité nationale» et rejeté les appels à sa démission et à la dissolution de l'Assemblée nationale constituante qui se multiplient depuis l'assassinat, attribué à la mouvance salafiste, du député et opposant Mohamed Brahmi le 25 juillet.

Le parti islamiste Ennahda dont est issu M. Larayedh a d'ailleurs prévu une grande manifestation en soirée à Tunis pour défendre sa légitimité à gouverner.

M. Larayedh a aussi appelé les médias à ne plus faire circuler «d'intox» sur des tentatives d'attentats avortés.

De nombreuses rumeurs ont circulé toute la journée dans les médias et les réseaux sociaux après que la police a confirmé avoir trouvé un colis suspect contenant une lettre de menace «adressée aux unités sécuritaires et à l'armée les appelant à se retirer du mont Chaambi».

Appel à manifester le 6 août

Le ministère de l'Intérieur a en outre annoncé ces dernières 24 heures qu'un «extrémiste religieux» avait été tué et un autre blessé dans deux incidents séparés alors qu'ils manipulaient des explosifs.

Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Mohamed Ali Aroui,  a assuré à l'AFP qu'il n'y avait pas pour autant de «menace précise» et que le «risque d'attentat est le même en Tunisie qu'en France ou ailleurs dans le monde».

Le gouvernement a cependant reconnu ces dernières semaines que le pays était face à une menace terroriste grandissante.

Aucun compromis de sortie de crise ne semble par ailleurs se dessiner, les différentes forces d'opposition ayant rejeté la proposition de M. Larayedh d'élargir la coalition au pouvoir et d'élections en décembre 2013.

Une coalition de partis d'opposition a même appelé à une vaste manifestation le 6 août contre le pouvoir et pour marquer les six mois de l'assassinat de Chokri Belaïd, un opposant de gauche dont la mort a été attribuée aussi aux jihadistes. Ce meurtre avait conduit à la chute du précédent gouvernement Ennahda.

Le rassemblement réclamera aussi la dissolution de l'ANC, comme les manifestations quotidiennes de l'opposition, qui ont lieu la nuit en raison du jeûne du ramadan.

«L'opposition ne veut pas du pouvoir, mais veut terminer la transition démocratique avec un gouvernement de salut national. Dans le contexte actuel, ce n'est pas possible de tenir des élections libres et transparentes», a indiqué à l'AFP Karima Souïd, l'une des 60 députés à réclamer la dissolution de l'assemblée.

Les travaux de l'ANC, élue en octobre 2011, sont paralysés faute de consensus pour achever la Constitution.

Enfin, le ministère de l'Intérieur n'a pour le moment procédé à aucune arrestation en lien avec le meurtre du député Brahmi, un nationaliste de gauche.  Selon la police, la même arme a été utilisée pour tuer Brahmi et Belaïd.

Les autorités ont aussi assuré qu'un lien existait entre le groupe de Chaambi, les tueurs des opposants et la principale organisation salafiste tunisienne, Ansar Ashariaa, dirigée par Abou Iyadh, un vétéran de la guerre en Afghanistan. Ce mouvement a rejeté ces accusations.