L'opposant tunisien Chokri Belaïd a été tué par un groupe salafiste, mouvance islamiste radicale, ont annoncé mardi les autorités précisant que le meurtrier présumé a été identifié, mais est en fuite et que quatre complices sont sous les verrous.

«Le tueur a été identifié et il est pourchassé», a indiqué le ministre de l'Intérieur, Ali Larayedh, lors d'une conférence de presse.

«Les quatre autres suspects ont été arrêtés. Ils appartiennent à un courant religieux radical (..) ils sont de nationalité tunisienne», a ajouté M. Larayedh, qui est appelé à former le prochain gouvernement tunisien, évoquant «ce qu'on appelle la mouvance salafiste».

Selon lui, les complices ont effectué le repérage en vue de ce crime qui a plongé la Tunisie dans une profonde crise politique et l'un d'entre eux «a avoué avoir accompagné le tueur» le 6 février, jour du meurtre.

Il a fait ces annonces après que plusieurs sources policières ont indiqué lundi à des médias tunisiens et à l'AFP que le meurtrier présumé avait été arrêté et qu'il appartenait à la mouvance salafiste.

M. Larayedh a refusé mardi de donner des indications sur l'éventuel commanditaire de l'assassinat ou sur un groupe salafiste en particulier.

La mouvance salafiste djihadiste est accusée par les autorités d'être responsable de nombreux coups d'éclat, certains sanglants, ces derniers mois, le plus grave ayant été l'attaque de l'ambassade des États-Unis en septembre 2012 qui a fait quatre morts parmi les assaillants.

Le parti islamiste au pouvoir Ennahda, auquel appartient M. Larayedh, a été régulièrement taxé de laxisme voire de complaisance à l'égard de ces groupes.

La veuve de l'opposant, Besma Khalfaoui a pour sa part souligné vouloir avant tout identifier le commanditaire.

«C'est beau de savoir qui a exécuté, mais pour moi c'est très important de savoir qui a commandé, comme cela a été fait, car c'est un crime très organisé», a-t-elle dit à l'antenne de la radio française Europe 1, évoquant «la responsabilité politique» d'Ennahda.

La mort de Chokri Belaïd a entraîné la démission du premier ministre Hamadi Jebali. Ce dernier a claqué la porte du gouvernement face à l'opposition de son propre parti Ennahda, de former un gouvernement de technocrates pour répondre à la crise provoquée par le meurtre.

M. Larayedh, qui est appelé à lui succéder, n'a rien dit mardi de l'état des pourparlers qu'il mène pour former un nouveau gouvernement de coalition.

Il a reçu dans la matinée les dirigeants du Parti républicain (opposition laïque) après avoir vu lundi soir Beji Caïd Essebsi, ex-premier ministre postrévolutionnaire et chef du mouvement d'opposition Nidaa Tounes.

«Vu la gravité de la situation, il faut transmettre un message rassurant au peuple tunisien. La désignation d'Ali Larayedh n'a pas rassuré», a déclaré mardi Maya Jribi, secrétaire générale du Parti républicain, excluant que son parti participe au gouvernement.

Si M. Larayedh, considéré comme un modéré d'Ennahda, a la réputation d'un homme de dialogue, l'opposition le juge responsable de l'essor de la mouvance djihadiste et de la répression violente de conflits sociaux, en particulier des émeutes de Siliana (nord-est) en novembre qui a fait 300 blessés.

Ennahda a aussi été accusé de favoriser les violences politiques en protégeant la Ligue de protection de la révolution, milice brutale pro-islamiste que l'opposition considère comme responsable de nombreuses actions violentes.

La Tunisie est en outre paralysée par l'incapacité de l'Assemblée nationale constituante (ANC) d'aboutir, après 16 mois de travaux, à un consensus sur la future Constitution qui ouvrait la voie à de nouvelles élections.