Le président tunisien déchu Ben Ali a été condamné jeudi par contumace à perpétuité pour la deuxième fois en un mois pour complicité de meurtres de manifestants, mais les acquittements de certains accusés ont déclenché une nouvelle fois la colère des proches de victimes.

Il était jugé avec une quarantaine de responsables et policiers de son régime, dont le général Ali Seriati, ex-chef de la sécurité présidentielle condamné à 20 ans de réclusion, a indiqué le juge Hedi Ayari du tribunal militaire de Tunis, selon une journaliste de l'AFP présente à l'audience.

Deux ex-ministres de l'Intérieur étaient aussi sur le banc des accusés, Rafik Belhaj Kacem, condamné à 15 ans, et Ahmed Friaa, qui bénéficie, lui, d'un non-lieu.

Au total, 21 prévenus ont été acquittés. Parmi eux, Mohamed Arbi Krimi, l'ex-chef des opérations au ministère de l'Intérieur et l'ancien chef des services spéciaux, Rachid Ben Abid, a indiqué un responsable de la justice militaire à un journaliste de l'AFP.

Zine El Abidine Ben Ali est le seul à écoper de la perpétuité. Les autres condamnés voient leurs peines s'étaler entre cinq et vingt ans de prison.

Les familles des victimes ont réagi avec colère, jugeant ce verdict trop clément. Certains proches étaient secoués par les larmes.

« Tous les coupables méritent perpétuité », ont scandé la poignée de proches présents, alors que l'imminence du verdict n'avait été annoncée qu'en fin de matinée jeudi.

« Nos enfants ne sont pas des insectes pour que quelques coupables soient condamnés à cinq ans de prison seulement, on va se venger, et on ne va pas se taire et on ne va pas rester les bras croisés », s'est emportée Saïda Sifi, la mère d'un jeune homme de 19 ans tué pendant le soulèvement.

À l'issue du verdict, la présidente de l'Association des familles des martyrs, Lamia Farhani s'est précipitée sur la soeur d'un accusé qui clamait l'innocence de son frère, un sous-lieutenant condamné.

« Il n'y pas de droit, il n'y pas de justice! », a crié Mme Farhani.

À l'inverse, l'avocat de Ali Seriati, Mohamed Mejri, a dénoncé la sévérité de la peine infligée à son client, relevant qu'il avait été acquitté dans une affaire similaire le mois dernier devant le tribunal militaire du Kef (ouest). Il a évoqué un complot de la classe politique.

« Seriati n'avait rien à voir avec la sécurité dans le pays, il ne s'occupait que de la présidence », a dit Me Mejri.

« Dans la même affaire, Seriati avait été acquitté au Kef, ici il est condamné à 20 ans à la suite de pressions de députés de l'Assemblée nationale constituante », a-t-il affirmé.

Les accusés étaient jugés pour leur rôle dans la mort d'une quarantaine de manifestants et les blessures de 97 autres dans le gouvernorat de Tunis et dans d'autres villes du nord du pays comme Bizerte et Nabeul.

Au total, plus de 300 personnes ont trouvé la mort lors du soulèvement populaire déclenché le 17 décembre 2010 et ayant abouti le 14 janvier 2011 à la fuite de M. Ben Ali vers l'Arabie Saoudite.

Le président déchu a déjà été condamné à de lourdes peines dans plusieurs affaires. Mi-juin, il avait ainsi écopé d'une peine à perpétuité prononcée par le tribunal militaire du Kef pour son rôle dans la mort d'une vingtaine de manifestants.

Déjà à l'époque, les acquittements de dix accusés, dont certains hauts responsables, avaient suscité un tollé.

L'organisation Human Rights Watch avait peu après relevé dans un rapport que le Code pénal tunisien était « mal outillé» car il « ne traite pas du concept de responsabilité du supérieur hiérarchique », ce qui pourrait expliquer des non-lieux prononcés pour certains faute de preuves directes les impliquant.