L'avocat Donald Kattan, soupçonné d'être l'homme de main de Belhassen Trabelsi au Canada, a déjà été mêlé à une affaire de blanchiment d'argent lié à un trafic international de drogue.

Le 6 décembre, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a fouillé les bureaux de Me Kattan à Westmount, a révélé La Presse hier. L'avocat aurait administré illégalement les avoirs de M. Trabelsi, «parrain» tunisien réfugié au Canada depuis le 20 janvier.

Quatre jours après l'arrivée de M. Trabelsi, le bureau Péloquin Kattan a reçu un virement de 1,4 million de dollars. Cet argent était destiné à M. Trabelsi, beau-frère du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali. Depuis, d'autres sommes d'argent puisées dans les comptes de M. Trabelsi ont été déposées dans un compte en fidéicommis chez Péloquin Kattan.

M. Trabelsi a lui-même admis aux enquêteurs de la GRC que Me Kattan «gère [ses] affaires». Or, ces transactions sont interdites en vertu de la nouvelle Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus.

Transactions douteuses

Ce n'est pas la première fois que Me Kattan s'adonne à des transactions douteuses. En 1993, le trafiquant de drogue américain Herberto Rodriguez, dit Tico, a viré 1 million de dollars de l'Espagne à Montréal, par l'intermédiaire de la Suisse, dans le compte en fidéicommis du bureau Péloquin Kattan.

Cet argent a servi à acheter le Complexe La Source, luxueux centre de soins à Westmount. Tico Rodriguez était associé, dans cette affaire, à un client de Me Kattan, le Montréalais Sidney Lallouz, trafiquant de drogue et fraudeur au lourd passé criminel.

Me Kattan a immédiatement transféré le million de dollars dans son compte personnel, une pratique pour le moins inhabituelle. L'avocat a ensuite acheté l'immeuble de Westmount pour 750 000$.

Deux semaines plus tard, Tico Rodriguez a été arrêté à sa maison d'Outremont par les policiers montréalais, qui ont répondu à une demande de la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine. Le trafiquant a été condamné à une lourde peine de prison aux États-Unis.

Il a aussi admis que l'argent qui avait servi à l'achat du Complexe La Source provenait du trafic de drogue.

Dans une entrevue à The Gazette, en 1995, Me Kattan a soutenu qu'il ne savait pas d'où provenait l'argent lorsqu'il a procédé à la transaction. «M. Rodriguez m'a été présenté comme un citoyen remarquable, qui allait à l'église tous les dimanches et qui priait tous les jours avec ses enfants. Il semblait être une personne très honorable», a-t-il dit.

En 1995, Sidney Lallouz a été reconnu coupable du blanchiment des 750 000$ investis dans l'achat du Complexe La Source. Il a ensuite poursuivi sa carrière criminelle, notamment en fraudant les soeurs du Bon-Pasteur. En 2006, il a été arrêté à bord d'un bateau contenant 22 tonnes de haschisch.

Me Kattan n'a pas donné suite aux appels de La Presse.

Plus de transparence

La nouvelle de la perquisition de la GRC a été relayée hier par de nombreux journaux en Tunisie. «Nous sommes très heureux que la GRC utilise l'outil législatif dont s'est doté le Canada pour agir, enfin, contre le parrain de la famille Ben Ali», dit Haroun Bouazzi, porte-parole de l'Association des droits de la personne au Maghreb.

«Mais ce n'est pas parce que M. Trabelsi est au Canada que son argent est plus intéressant que celui de Sakher el-Materi [gendre de Ben Ali], qui possède une maison de 2,3 millions à Westmount. Cette maison n'a jamais été saisie. On se pose encore beaucoup de questions, et on s'attend à plus de transparence du gouvernement fédéral.»