Des milliers de Tunisiens, dont de nombreux policiers, ont à nouveau manifesté samedi contre le gouvernement de transition dominé par des caciques de l'ancien régime, alors qu'une «Caravane de la libération» est partie de province vers Tunis avec l'objectif affiché de renverser l'équipe en place.

Les promesses de rupture affichées la veille par le premier ministre Mohamed Ghannouchi n'ont pas suffi: la contestation s'est poursuivie dans la rue, se mêlant à Tunis de revendications sociales.

Sur le plan international, le premier ministre tunisien s'est entretenu samedi avec la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton et le premier ministre français François Fillon, a indiqué l'agence officielle TAP.

Mme Clinton a affirmé sa «solidarité avec le peuple tunisien et l'appui de son pays à la nouvelle orientation» de la Tunisie, tandis que M. Fillon a affirmé le soutien et l'appui de la France «dans tous les domaines».

Mme Clinton a en outre «encouragé la mise en place de réformes et la transition vers une démocratie ouverte», a indiqué à Washington un porte-parole de la diplomatie américaine.

Alors que la rentrée des classes dans les écoles primaires, fermées comme tous les établissements scolaires depuis le 10 janvier, doit avoir lieu lundi, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a annoncé que les instituteurs allaient rejoindre la contestation par une grève illimitée jusqu'à «la dissolution du gouvernement».

Un but également proclamé samedi par les organisateurs d'une marche sur la capitale, baptisée «Caravane de la libération» par ses initiateurs, qui en soirée avait déjà rassemblé des centaines de personnes dans le centre-ouest du pays, où a débuté la «révolution du jasmin».

Partis de Menzel Bouzaiane, à 280 km au sud de la capitale, où sont tombées sous les balles de la police les premières victimes de la révolte populaire qui a entraîné la chute du régime Ben Ali, les marcheurs arrivaient en soirée à Regueb (260 km au sud de Tunis), où la population devait les héberger.

«Notre but est de faire tomber le gouvernement, notamment les ministres issus du RCD», le Rassemblement constitutionnel démocratique, ancien parti au pouvoir de Ben Ali, a expliqué à l'AFP Rabia Slimane, une institutrice et syndicaliste de 40 ans.

À Tunis, en ce deuxième et avant-dernier jour de deuil national, des milliers de personnes ont manifesté dans le centre-ville, avenue Habib Bourguiba, devant le siège du gouvernement, ou celui de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), a constaté l'AFP.

De nombreux policiers en civil ou en uniforme ont défilé pour réclamer un syndicat de police et de meilleures conditions de travail, mais aussi se faire pardonner par la population la répression de la «révolution du jasmin».

Les manifestations, qui ont duré toute la journée, ont pris souvent un tour social: employés de mairie qui exigent une amélioration de leurs conditions de travail, employés de ménage dans les entreprises qui réclament des augmentations de salaire.

Tentant d'apaiser la rue, le premier ministre a promis vendredi soir qu'il prendrait sa retraite politique après la transition.

Dans une interview télévisée, il a aussi annoncé que «toutes les lois antidémocratiques seront abrogées»: les lois électorales et antiterroristes, ainsi que le code de la presse.

Signe de l'ouverture démocratique promise, les douanes ont annoncé samedi la suppression de l'autorisation préalable d'importation des livres, revues, films, véritable censure exercée par l'ancien régime.

«Il y a une volonté de sortie de crise, mais toujours dans la même incompréhension de l'ampleur du rejet exprimé par la population de tous les symboles de l'ancien régime», a réagi samedi l'opposant Mustapha Ben Jaafar, dirigeant du Forum démocratique pour le travail et les libertés.

Le Congrès pour la République, le parti de l'opposant historique Moncef Marzouki, représentant de la gauche laïque rentré mardi de son exil en France, souhaite «la création d'un Conseil national chargé de rédiger une nouvelle Constitution».

Pour sa part, le leader du mouvement islamiste interdit Ennahdha, en exil à Londres a dit espérer retourner «très bientôt» en Tunisie, dans un entretien à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel à paraître lundi.

«Nous ne voulons pas d'un régime à parti unique, quel qu'il soit, ni instaurer la charia (loi islamique, ndlr). Ce dont la Tunisie a besoin aujourd'hui, c'est de liberté et (...) d'une véritable démocratie», a-t-il déclaré.