Des milliers de Tunisiens ont de nouveau exigé mercredi, à Tunis comme en province, le retrait du gouvernement de transition des figures de l'ancien régime et la dissolution du parti du président déchu Zine El Abidine Ben Ali.

Ces démonstrations de colère interviennent avant même la première réunion, peut-être jeudi, du cabinet d'union nationale, formé lundi mais dont quatre membres appartenant à l'opposition se sont déjà dissociés.

Dans le même temps, l'Arabie saoudite où l'ancien dictateur a trouvé refuge lui a interdit toute activité politique liée à la situation dans son pays, dont il a été chassé le 14 janvier après 23 ans de règne sans partage. Les violences ont fait plus de 100 morts depuis la mi-décembre, selon l'ONU.

À Tunis, des unités anti-émeutes de la police ont étroitement encadré une manifestation de quelque 2000 personnes, dont des islamistes, dans le centre ville, mais ne sont pas intervenus pour les disperser, selon des journalistes de l'AFP. Aucun incident ne s'est produit à Tunis.

«Nous voulons un nouveau Parlement, une nouvelle constitution et nouvelle République», ont scandé les manifestants, qui s'en sont pris au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du président déchu Ben Ali. «RCD out», proclamait une banderole.

«Peuple! révolte-toi contre les partisans de Ben Ali!», ont crié les manifestants.

La colère des manifestants vise les vestiges de l'ancien régime, dont des personnalités importantes ont conservé des postes clefs au sein du gouvernement de transition formé lundi par le Premier ministre Mohammed Ghannouchi.

Des manifestations identiques ont rassemblé des milliers de personnes en province, notamment à Sidi Bouzid, Regueb, Kasserine, et Thala.

Ces localités, dans le centre du pays, ont été au coeur de la «Révolution du jasmin» qui en un mois d'émeutes populaires a balayé le régime autocratique de Ben Ali.

Ce soulèvement a fait, selon le gouvernement, 78 tués et 94 blessés. Mais le Haut commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, Navi Pillay, a donné mercredi un bilan plus élevé.

Depuis la mi-décembre, les violences ont provoqué la mort de «plus de 70 personnes dans des tirs, sept dans des suicides de protestation, et plus de 40 dans les affrontements dans les prisons le week-end dernier», a-t-elle précisé.

Face à ce qui est perçu comme la mainmise prolongée sur les affaires du pays de dirigeants désavoués par le soulèvement populaire, quatre ministres, dont trois représentants de la puissante centrale syndicale UGTT, avaient annoncé qu'ils se retiraient.

«Il nous est impossible de participer à un gouvernement qui intègre des symboles de l'ancien régime», a répété mercredi le secrétaire général de la centrale, Abdessalem Jrad.

Trois partis d'opposition non reconnus sous le régime du président déchu ont par ailleurs été légalisés durant les trois derniers jours: Tunisie Verte (écologique) d'Abdelkader Zitouni, le Parti socialiste de gauche de Mohamed Kilani et le Parti du travail patriotique et démocratique tunisien, d'Abderrazek Hammami.

Le journaliste et opposant tunisien emprisonné Fahem Boukadous, condamné le 6 juillet à quatre ans de prison ferme, a aussi été libéré mercredi, selon son épouse.

Sur le plan international, le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud Al-Fayçal a souligné que le président déchu Ben Ali avait été accueilli dans le royaume par respect des traditions arabes d'hospitalité, mais qu'il ne pourrait y exercer aucune activité contre son pays.

Et la présidente de la Confédération helvétique Micheline Calmy-Rey a annoncé que «la Suisse a décidé de bloquer avec effet immédiat d'éventuels fonds en Suisse de l'ex-président tunisien Ben Ali et son entourage».

L'agence officielle tunisienne TAP a affirmé qu'une enquête judiciaire avait été ouverte contre Ben Ali et sa famille pour des transactions financières «illégales».

Mais la Banque centrale de Tunisie (BCT) a de son côté affirmé que son stock d'or «n'a enregistré aucune variation», démentant des informations faisant état de la fuite de la famille du président déchu avec 1,5 tonne d'or.

Un sommet de la Ligue Arabe, qui s'est par ailleurs ouvert en Égypte, devait se pencher sur les suites de la révolte populaire qui a secoué la Tunisie depuis la mi-décembre mais le ministre tunisien des Affaires étrangères Kamel Morjane a quitté la ville de Charm el-Cheikh sans y prendre part.

En Algérie, en Égypte, et en Mauritanie, des tentatives d'immolation par le feu se sont multipliées, suivant le précédent du suicide d'un jeune Tunisien le 17 décembre dans le centre du pays, qui avait marqué le début des émeutes.