Le premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi devait réunir dimanche des représentants des partis politiques et de la société civile pour désigner les personnalités chargées de conduire le processus de transition jusqu'aux élections, prévues dans un délai de 60 jours.

Deux jours après la chute du président Zine El Abidine Ben Ali qui a fui en Arabie saoudite, la capitale tunisienne et sa banlieue se sont réveillées dans le calme.

Le dispositif de sécurité, bloquant l'avenue Bourguiba dans le centre, a été un peu allégé avec la levée des barrières dressées la veille au travers des rues d'accès et une présence policière plus discrète, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Tunis et ses environs qui avaient connu nombre de pillages la nuit précédente, ont été survolés dans la nuit par des hélicoptères de l'armée, tous projecteurs allumés, après la multiplication d'alertes sur des mouvements de véhicules suspects circulant à vive allure et dont les occupants tiraient sur les maisons, malgré le couvre-feu.

Dans la matinée, les grandes artères étaient quasi désertées et l'armée était déployée à tous les endroits stratégiques de la capitale, notamment à l'aéroport international de Carthage, devant la Banque de Tunisie et le siège du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti de l'ex-président.

Certains carrefours étaient surveillés à la fois par des militaires et par des policiers en uniforme.

Quelques rares cafés avaient rouvert. Au marché central, un bon quart des étals étaient approvisionnés en fruits et légumes, mais les clients se plaignaient d'une soudaine montée des prix.

Au palais du gouvernement, le premier ministre tunisien sortant, Mohammed Ghannouchi, qui reste en place, devait réunir tous les partis politiques dits légaux, représentés au Parlement ou non, mais pas le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) de Hamma Hammami qui est interdit ni les islamistes du Ennahdha de Rached Ghannouchi qui vit en exil à Londres.

La réunion devait commencer à 10H30 (heure locale, 09H30 GMT), selon Maya Jribi, secrétaire générale du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale).    Elle devrait décider de la mise en place de trois comités: l'un chargé de proposer des personnes pour former un gouvernement d'union nationale, un autre pour examiner les exactions et dérives sécuritaires qui ont fait des dizaines de morts pendant un mois d'émeutes, et le dernier sur les accusations de corruption de l'ancien régime.

M. Ghannouchi, brièvement nommé président par intérim après la chute du président Ben Ali avant d'être remplacé à ce poste par Foued Mebazaa, a commencé samedi à sonder les partis sur les réformes politiques visant à rompre avec le système du président déchu.

Un large éventail de personnalités a défilé au Palais du gouvernement, selon Mustapha Ben Jaffar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés. Les discussions portant, selon lui, sur les mesures à prendre «pour jeter les bases d'un véritable processus démocratique et tourner la page d'un système qui a échoué».

Dimanche, la nervosité restait perceptible dans la capitale, notamment à l'aéroport où un millier de personnes ont passé la nuit à cause du couvre-feu, dormant tant bien que mal à même le sol.

Des dizaines d'étudiants originaires d'Afrique subsaharienne espéraient trouver un avion dans la journée pour quitter le pays. «Nous avions peur à cause de l'insécurité et du couvre-feu», a témoigné un étudiant congolais.

Quand les portes de l'aéroport se sont ouvertes à 07H00 (06H00 GMT), les voyageurs arrivés la veille au soir se sont rués sur les rares taxis disponibles, mais la plupart refusait de prendre des passagers vers le centre. «Ils ont peur», a commenté l'un d'eux. «Il faut faire très attention».

Dans la nuit, un citoyen apeuré avait joint l'AFP par téléphone: «une ambulance a été vue à La Marsa et une autre à Mégrine (nord et sud de la capitale). Ils tirent sur des maisons», avait-il dit, en affirmant que ces véhicules transportaient des personnes encagoulées.

Après les pillages de la nuit précédente, des comités de vigilance ont été mis en place dans les quartiers et ont organisé des rondes pour protéger les habitants.

Plusieurs témoignages ont attribué les pillages et exactions de ces derniers jours à des membres de l'appareil sécuritaire liés à Ben Ali et cherchant à créer le chaos pour favoriser son retour.