Plus d'un millier de personnes, principalement d'origine tunisienne, ont marché au centre-ville de Montréal, samedi après-midi, pour exprimer leur appui au peuple tunisien. Sous les drapeaux rouges de la Tunisie, ils ont marché non seulement pour célébrer le départ du président Zine el-Abidine Ben Ali, mais aussi pour appeler au respect des libertés civiles.

«C'est non seulement une surprise, c'est un rêve, a affirmé Amel Elkorbi, une jeune Québécoise d'origine tunisienne à propos du départ de Ben Ali annoncé vendredi. J'ai pleuré quand j'ai vu ça.»

Appuyées de plusieurs organismes et partis politiques, dont le Bloc Québécois, Québec Solidaire, la FTQ, la CSN et Amnistie internationale, les communautés tunisiennes du Canada ont tenu des rassemblements à Montréal, Québec et Ottawa. Elles réclament que le gouvernement canadien exerce des pressions sur les autorités tunisiennes pour qu'elles mettent fin à la violation des droits humains. Le Collectif solidarité Canada aux luttes sociales en Tunisie, qui est à l'origine de la manifestation, s'oppose également à la nomination du premier ministre Mohamed Ghannouchi, qu'il dit être un allié de Ben Ali, comme président par intérim.

À Montréal, les manifestants ont marché, au son de l'hymne national tunisien, du Square Dorchester jusqu'au consulat de la Tunisie, situé sur la rue University. Peu après 15h, les voix se sont tues pour observer une minute de silence en mémoire des «martyrs de la liberté», notamment Mohamed Bouazizi, le jeune marchand de rue dont le décès en décembre dernier a mené au déclenchement de la révolution du jasmin.

«J'ai quitté la Tunisie à l'âge de sept ans et d'aussi longtemps que je me souvienne, Ben Ali était là, a souligné Soumaya Zrig, 25 ans. Aujourd'hui, je ne le réalise pas encore. Parce que pour moi Ben Ali a toujours été là. Et qu'il ne soit plus là, c'est vraiment révélateur. Ça fait du bien. Je suis vraiment fière.»

«Aujourd'hui le peuple tunisien s'est levé, s'est réjoui Anaam Taghouti, un Tunisien établi à Montréal depuis trois ans. On est parvenu à le faire. On est fier. On est heureux. Vive la Tunisie ! Espérons que la démocratie s'installe et que le peuple tunisien ait ce qu'il mérite comme un peuple ouvert qui veut voir son pays se développer.»

Même s'ils avaient le coeur à la fête, les participants à la marche ont tenu à rappeler que l'accession à la démocratie n'est pas gagnée. «En Tunisie actuellement, les gens ont peur, a constaté le porte-parole du Collectif solidarité Canada aux luttes sociales en Tunisie, Haroun Bouazzi. Il y a des milices organisées par les services secrets tunisiens et la garde présidentielle qui sont en train de semer la terreur. Il y a des prisons qui sont attaquées. On essaie de semer la terreur pour que notre peuple n'accède pas à la démocratie.» Amel Elkorbi s'est d'ailleurs dite inquiète pour sa grand-mère et ses oncles qui, a-t-elle raconté, ont été menacés en Tunisie samedi par les milices.

Un vent d'optimiste soufflait néanmoins parmi les manifestants. «Le peuple est vigilant, a noté Anaam Taghouti. Il ne va pas lâcher prise. Il reste un long chemin à faire. Ce n'est pas évident qu'on va arriver à une vraie démocratie en un seul jour. C'est un long chemin, mais je crois que l'avenir va être meilleur.»