La France a pris acte vendredi de la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, un de ses plus proches alliés en Afrique du Nord, mais a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas l'accueillir.

Depuis que le président tunisien, au pouvoir depuis 23 ans, a quitté son pays vendredi après-midi, sa destination restait un mystère, des rumeurs l'annonçant à Malte, en Italie ou en France alors que son avion a survolé l'espace aérien maltais «en direction du Nord», selon le gouvernement maltais.

La France, ancienne puissance coloniale de la Tunisie, «n'a reçu aucune demande d'accueil» du président tunisien en fuite, a fait savoir dans la soirée le ministère des Affaires étrangères.

«Au cas où cette demande se présenterait, la France apporterait sa réponse en accord avec les autorités constitutionnelles tunisiennes», a ajouté le ministère.

Cette déclaration signifie que Paris «ne souhaite pas» la venue de M. Ben Ali, a indiqué une source gouvernementale française, justifiant cette position par le risque de mécontentement de la communauté tunisienne installée en France. Plusieurs centaines de ses membres s'étaient rassemblés vendredi soir, notamment devant l'ambassade de Tunisie à Paris, pour célébrer le départ de M. Ben Ali.

Auparavant, l'Élysée avait fait savoir que «la France prenait acte de la transition constitutionnelle annoncée par le Premier ministre Ghannouchi».

«La France souhaite l'apaisement et la fin des violences. Seul le dialogue peut apporter une solution démocratique et durable à la crise actuelle», a-t-il ajouté dans un communiqué.

Des membres de l'opposition tunisienne en France et des organisations non gouvernementales ont ces derniers jours jugé trop prudente, voire complaisante, la position de la France restée quasi-silencieuse sur les événements sanglants jusqu'à ce que Paris s'inquiète jeudi de «l'utilisation disproportionnée de la violence» des forces de l'ordre qui a fait des dizaines de morts.

L'opposition de gauche a vendredi appelé à la «transition démocratique» en Tunisie et demandé aux autorités françaises d'adopter une position plus claire dans des déclarations teintées de critiques.

«Le départ du président Ben Ali doit permettre la transition démocratique», a déclaré la dirigeante du Parti socialiste Martine Aubry. «La diplomatie française doit s'engager sans ambiguïté en faveur de la démocratie en Tunisie, à laquelle le peuple tunisien a montré qu'il aspirait avec force», a-t-elle ajouté.

«Bravo au peuple tunisien», s'est réjoui l'ancien ministre socialiste de la Culture Jack Lang. «C'est une heureuse et bonne nouvelle pour le peuple tunisien, qui par son courage aura réussi à vaincre la dictature».

«Trop longtemps, une grande partie de la classe politique française a été complaisante a l'égard de Ben Ali», a-t-il jugé.

«C'est l'épilogue d'une situation de confiscation des pouvoirs et des libertés», a déclaré Marielle de Sarnez, vice-présidente du parti centriste Modem. «On peut se demander pourquoi un pays comme la France n'a pas donné plus tôt les signes nécessaires pour que cet étau se desserre», a-t-elle ajouté.

Quant à la rumeur de la venue en France de Ben Ali, elle a été dénoncée par le leader des écologistes.

«Il serait inacceptable que la France devienne un refuge pour celui qui par son obstination et sa gestion policière risque de précipiter la Tunisie dans une situation périlleuse», a déclaré Cécile Duflot.