Pour la première fois depuis sa création, en 1970, la plus célèbre course à pied de la planète n'aura pas lieu en 2012.

Après avoir plaidé jusqu'à hier matin que la tenue du marathon de New York aiderait la ville à se remettre du passage de l'ouragan Sandy, le maire Michael Bloomberg a finalement jeté l'éponge en fin de journée. Il a annoncé aux quelque 47 000 inscrits et 12 000 bénévoles que le 42e marathon de New York, prévue demain, devait être annulée.

«Même si la tenue de la course n'aurait pas détourné de ressources qui auraient pu servir aux efforts de secours, il est clair que l'enjeu est devenu une source de controverse et de division», ont indiqué le maire Bloomberg et les organisateurs de la course dans une déclaration conjointe.

Depuis que l'ouragan Sandy a semé la dévastation dans certains quartiers de la ville, au début de la semaine, le débat faisait rage quant à la tenue de la course. Si la vie a repris ses droits dans certains quartiers de New York, d'autres sont encore sans électricité ni eau potable.

L'événement était impossible à remettre étant donné l'ampleur de l'organisation. Les participants de cette année verront leur inscription transférée à l'année prochaine.

Controverse

Le recours à des bénévoles et l'utilisation de génératrices pour la tenue de la course plutôt que par les équipes de secours semblait illogique aux yeux de plusieurs acteurs influents de la vie politique new-yorkaise.

«Nous extirpons encore des cadavres de l'eau et le maire s'inquiète pour les participants du marathon», avait notamment dénoncé le représentant fédéral Michael Grimm, élu dans le quartier durement affecté de Staten Island. Les impitoyables tabloïds de la ville s'étaient aussi mis de la partie. «Abus de pouvoir: Ces gigantesques génératrices procurent de l'électricité pour la tente du marathon à Central Park alors que les New-Yorkais souffrent», a titré hier matin le New York Post, avec une photographie des deux machines.

Les utilisateurs des réseaux sociaux ont aussi participé au débat.

Dans leur communiqué, Michael Bloomberg et les organisateurs du marathon n'ont pas caché que c'est en raison de cette controverse, plutôt que de la situation réelle sur le terrain, que la course devait être annulée.

«Nous ne pouvons permettre qu'une controverse portant sur un événement sportif - même s'il est très important - fasse dévier notre attention du travail extrêmement important pour nous relever de la tempête et remettre notre ville sur ses pieds», ont affirmé le maire et les organisateurs.

Déçu mais soulagé

Michel Cusson, graphiste à La Presse, devait courir le marathon demain. Hier, il passé l'après-midi à finaliser son inscription et à faire le tour d'un salon organisé à l'occasion de la course, avant d'être informé par téléphone de son annulation.

«Je n'ai pas été tant surpris. Depuis hier [jeudi], on regarde la télévision locale de New York et on y montre des coins où les gens sont sans électricité et ont faim», a-t-il relaté en entrevue. «C'est une sorte de déception collective, avec des dizaines de milliers de déçus. Tout le monde comprend, il y avait un malaise.»

M. Cusson s'est même dit un peu soulagé par la tournure des événements. Tout le débat entourant l'utilisation des ressources disponibles à New York pour la course plutôt que pour les opérations d'aide aux sinistrés lui causait du souci et a remis en question sa propre participation.

Même son de cloche du côté de Robert Demers, un Montréalais travaillant dans le domaine de la comptabilité.

«J'ai fait le voyage très tôt ce matin, a-t-il relaté à La Presse. C'est sûr que je suis déçu, mais c'est compréhensible étant donné la situation.» Il a ajouté que si le verdict était facile à accepter, le fait de l'annoncer aussi tardivement lui semblait injuste.

Si son passage rapide à Manhattan ne lui a pas permis de voir les ravages causés par Sandy, les interminables files dans les stations-services des banlieues de New York l'ont impressionné.

«Au New Jersey, c'étaient des kilomètres d'autos qui attendaient pour l'essence, avec la police qui contrôlait», a décrit Robert Demers en entrevue téléphonique. «Sans doute que certains automobilistes y passaient la journée.»

- Avec CNN