La grande panne d'électricité du 15 août 2003 avait engendré une atmosphère bon enfant à New York, où les citoyens les plus âgés avaient toujours en mémoire les scènes de pillage qui avaient suivi la panne de 1977.

Dans la journée, des New-Yorkais s'étaient improvisés agents de circulation pour aider les piétons et les automobilistes à traverser les intersections sans signalisation. En soirée, ils avaient envahi les trottoirs et les restaurants pour célébrer à la chandelle un sentiment de solidarité né de leur dernière épreuve commune, les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center.

L'ouragan Irene, qui s'était transformé en tempête tropicale avant de frapper la Grosse Pomme le 28 août 2011, avait fait craindre le pire aux New-Yorkais. Ce jour-là, il avait plu dru et venté fort, mais les dégâts avaient été relativement mineurs à Manhattan et dans les autres arrondissements de la ville.

Lundi, 9 ans après sa dernière grande panne d'électricité et 14 mois après sa dernière tempête majeure, la ville de New York a de nouveau été plongée en partie dans le noir et prise d'assaut par des vents violents et de fortes pluies. Cette fois-ci, cependant, l'atmosphère était tout sauf bon enfant. Et les dégâts sont loin d'être mineurs.

Sang-froid perdu

En fait, plusieurs New-Yorkais ont vécu hier leur expérience la plus traumatisante depuis les attentats du 11 septembre 2001. Les pertes humaines et matérielles causées par Sandy ne sont certes pas comparables à celles engendrées par les kamikazes d'Al-Qaïda. Mais la tempête de lundi est le premier événement depuis les attaques contre le World Trade Center qui a fait perdre aux New-Yorkais leur sang-froid habituel.

Le moment où Sandy a atteint son paroxysme à New York n'est pas étranger à la réaction angoissée des citoyens de la ville. La nuit était tombée depuis plus d'une heure lorsque les vents les plus violents de la tempête ont soufflé sur la ville, en faisant tanguer littéralement les édifices d'une certaine hauteur.

Dans le même temps, l'East River et l'Hudson River ont commencé à sortir de leur lit et à inonder en partie le sud de Manhattan. Dans le quartier East Village, les eaux se sont engouffrées dans l'Avenue C, et ont rapidement monté jusqu'au toit des voitures.

Et comme si la situation n'était pas déjà assez dramatique, une violente explosion dans une centrale électrique située dans la 14e Rue a plongé dans le noir tout le sud de Manhattan, de la 34e Rue à Battery Park City, à la pointe de l'île.

Plusieurs New-Yorkais résidant dans cette partie de Manhattan ont alors allumé des chandelles. Mais ils n'avaient pas le coeur à la fête, comme lors de la grande panne d'électricité du 15 août 2003. Et ils n'étaient pas aussi insouciants que le 28 août 2011 devant Irene.

En voyant ces rues inondées dans un Manhattan privé d'électricité, plusieurs d'entre eux ont dû avoir l'impression de se retrouver dans un film catastrophe. Est-ce ainsi que Hollywood imaginerait la fin du monde?

Hier matin, en sortant la tête par la fenêtre ou en descendant dans la rue, ces New-Yorkais ont pu constater que les eaux de l'East River ou de l'Hudson River s'étaient retirées. Ils ont également pu voir des débris partout et plusieurs voitures garées à des angles insolites, après avoir été déplacées durant la montée ou le retrait des eaux.

Mais ce n'était pas un film. C'était la réalité. Et les New-Yorkais devront subir les conséquences des inondations causées par Sandy pour encore plusieurs jours. Non seulement plusieurs d'entre eux pourraient-ils être privés d'électricité pendant une semaine, mais ils pourraient également avoir à se passer de leur métro mythique, dont sept tunnels se sont remplis d'eau, pour une période indéterminée.

Même les attentats du 11 septembre 2001 n'auront pas eu cet impact sur la vie des New-Yorkais.