La victoire diplomatique remportée mercredi par les Palestiniens à l'UNESCO dans leur quête d'une reconnaissance internationale d'un État a pris de court les Américains qui menacent, pour l'instant en vain, de couper le financement de l'agence onusienne si la Palestine y est admise.

«Il me semble passablement confus et inexplicable d'avoir des organes des Nations unies qui prennent des décisions sur le statut d'un État tandis que le sujet a été présenté devant le Conseil de sécurité des Nations unies», a réagi la secrétaire d'État Hillary Clinton.

En dépit de pressions tous azimuts, les États-Unis n'ont pas réussi à s'opposer au vote par le conseil exécutif de l'Organisation des Nations unies pour la science et la culture de la recommandation d'attribuer à la Palestine un statut de membre à part entière, et non plus seulement d'observateur.

Au contraire même, les Palestiniens ont obtenu davantage de voix qu'espéré: sur les 58 membres du conseil exécutif, 40 ont voté pour et seuls quatre contre, dont les États-Unis, mais qui n'y bénéficient pas d'un droit de veto comme au Conseil de sécurité.

L'approbation de cette recommandation a une très forte portée symbolique à l'heure où les Palestiniens ont déposé une demande d'adhésion à l'ONU comme État membre à part entière via le Conseil de sécurité.

«C'est une victoire historique et on espère que cela aura un impact positif à l'ONU», se félicite-t-on à la délégation palestinienne de l'UNESCO.

Un changement de statut à l'UNESCO permettrait aussi à la Palestine de déposer des demandes de reconnaissance au Patrimoine mondial de l'Humanité pour des sites dans les territoires palestiniens occupés par Israël.

Pour entrer en vigueur, la recommandation doit maintenant être adoptée par la Conférence générale de l'UNESCO à une majorité des deux tiers de ses 193 membres, lors de sa session qui se tiendra du 25 octobre au 10 novembre à Paris. Une majorité que les Palestiniens se disent convaincus d'obtenir.

Face à cette perspective, les Américains brandissent la menace de retirer leur contribution financière, soit 22% d'un budget qui se monte à 653 millions de dollars sur deux ans. Une institution dont ils s'étaient déjà retirés entre 1984 et 2003 pour protester contre sa mauvaise gestion.

«Je vais m'employer à mettre fin au financement» de l'organisation par les États-Unis, a déclaré la représentante républicaine Kay Granger, qui préside la commission de la Chambre des représentants chargée de répartir les fonds pour la politique étrangère américaine.

À l'UNESCO, on relativise ces menaces. «Tout le monde était informé de ces menaces avant le vote de mercredi. Force est de constater que cela n'a pas eu d'impact», souligne un diplomate. Côté palestinien, on laisse entendre que les pays du Golfe pourraient compenser la contribution américaine si nécessaire.

De fait, deux lois américaines votées en 1990 et 1994 s'opposent au financement d'institutions internationales qui admettent l'OLP comme membre.

Les Américains craignent de se retrouver dans une situation embarrassante si les Palestiniens décident de multiplier ces requêtes dans les grandes enceintes internationales (Organisation mondiale de la santé, etc). «C'est à l'étude», indique-t-on côté palestinien.

Le vote a aussi mis en lumière les divisions des Européens, au moment où ceux-ci aspirent à jouer un rôle plus important dans une éventuelle reprise des pourparlers de paix: sur les onze États de l'UE membres du conseil exécutif, huit (dont la France et l'Espagne) se sont abstenus et trois ont voté contre (Allemagne, Lettonie, Roumanie).

Comme les États-Unis, la France avait jugé prématuré pour la Palestine de demander une adhésion pleine et entière à l'UNESCO, soulignant que la priorité pour l'heure devait être «la reprise des négociations» avec Israël.