La Corée du Nord a confirmé mercredi qu'elle avait tiré la veille un missile balistique de portée intermédiaire au-dessus du Japon.

C'est la première fois que Pyongyang déclare avoir envoyé un missile au-dessus du territoire japonais.

La Corée du Nord avait auparavant tiré par deux fois, en 1998 et en 2009, des fusées qui avaient survolé le Japon. Mais elle avait alors déclaré qu'il s'agissait d'engins civils destinés au lancement de satellites, alors que selon Washington, Séoul et Tokyo il s'agissait de tests déguisés de missiles à destination militaire.

Le missile balistique de portée intermédiaire Hwasong-12 lancé mardi «a traversé le ciel au-dessus de la péninsule d'Oshima, qui se trouve dans l'île d'Hokkaïdo, et du cap Erimo, en suivant la trajectoire préétablie, et a touché avec précision sa cible dans les eaux du Pacifique nord», a annoncé mercredi l'agence de presse officielle nord-coréenne KCNA.

Le lancement a eu lieu sous la supervision du numéro un nord-coréen Kim Jong-Un, a indiqué l'agence.

L'armée sud-coréenne a déclaré mardi que l'engin avait parcouru environ 2700 kilomètres et avait atteint une altitude maximale de 550 kilomètres.

«L'essai n'a pas eu d'impact sur la sécurité des pays voisins», a assuré KCNA. M. Kim a exprimé sa «grande satisfaction» après ce lancement, a précisé l'agence.

Le dirigeant nord-coréen, cité par KCNA, a prévenu qu'il y aurait «d'autres essais de fusées balistiques dans l'avenir avec le Pacifique comme cible».

Le lancement avait été fixé au mardi 29 août afin de marquer le 107e anniversaire du traité de 1910 entre le Japon et la Corée aux termes duquel Tokyo avait colonisé la péninsule coréenne, a indiqué KCNA.

En prenant cette décision, M. Kim «a exprimé la rancoeur contenue depuis longtemps du peuple coréen» contre «les cruels habitants de l'archipel japonais insensibles au sanglant 29 août», a ajouté l'agence nord-coréenne. Le 29 août 1910 est la date à laquelle le traité est entré en vigueur.

Le nouvel essai nord-coréen a provoqué de nombreuses protestations internationales. Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en urgence pour discuter de la question.



L'ONU unanime


Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné «fermement» mardi le tir par la Corée du Nord d'un missile balistique qui a survolé le Japon, dans une déclaration approuvée à l'unanimité par ses 15 membres après trois heures de réunion.

Il «demande à tous les États membres d'appliquer strictement et pleinement» les résolutions de l'ONU, dont celles imposant des sanctions économiques à la Corée du Nord, ajoute cette déclaration, lue dans la salle officielle du Conseil par son président en exercice, l'ambassadeur égyptien.

Dans la matinée, le président américain Donald Trump avait assuré que «toutes les options étaient sur la table» des États-Unis. Mais son ton était resté très mesuré par comparaison avec «le feu et la colère» promis il y a un mois à Pyongyang.

La Corée du Nord, qui a admis avoir tiré un missile de moyenne portée au-dessus du Japon, a invoqué le droit à l'autodéfense face aux «intentions hostiles» affichées par les États-Unis qui participent actuellement à des manoeuvres militaires annuelles avec Séoul.

Unité

Pour Washington, l'enjeu était de garder l'unité internationale avec Moscou et Pékin, premiers soutiens de Pyongyang. Début août, après un mois de discussions ardues, les États-Unis avaient réussi à convaincre la Chine et la Russie d'adopter de nouvelles sanctions économiques contre Pyongyang.

La simple adoption par le Conseil de sécurité d'une déclaration traduit toutefois la reconnaissance d'une absence d'options pour l'ONU afin de contraindre la Corée du Nord à négocier sur ses programmes d'armement.

Elle montre cependant «une claire volonté d'unité des membres du Conseil de réagir dès aujourd'hui» mardi, dans la foulée du tir nord-coréen, fait valoir un diplomate sous couvert d'anonymat.

L'unité «fait passer un message de fermeté qui compte», assure Manuel Lafont Rapnouil de l'institut de recherche European Council on Foreign Relations.

La déclaration, écrite par les États-Unis et proposée à ses partenaires du Conseil de sécurité, évoque des «actions scandaleuses et des menaces contre un autre État membre de l'ONU» et réclame «leur arrêt immédiat». Par ces actions, la Corée du Nord «sape délibérément la paix et la stabilité régionales», souligne le texte.

Dans sa première réaction au tir du missile nord-coréen, la Chine, principal allié et partenaire commercial de la Corée du Nord, avait appelé toutes les parties à la retenue. Si la situation est à un «tournant», «les pressions et les sanctions» contre Pyongyang «ne peuvent fondamentalement résoudre le problème», avait affirmé Pékin.

La Russie s'était dite «extrêmement préoccupée», dénonçant une «tendance» à «l'escalade» des tensions. Des condamnations étaient également venues de France, du Royaume-Uni ou du patron de l'ONU, Antonio Guterres.

Aux abris

Dans sa déclaration, le Conseil de sécurité réaffirme aussi son engagement à une solution pacifique, diplomatique et politique à la crise avec la Corée du Nord. Mais toute discussion est gelée depuis plusieurs années et aucune perspective de la relancer n'apparaît aujourd'hui.

Mardi tôt, des millions d'habitants du nord du Japon, qui n'ont pas cédé à la panique, avaient reçu au réveil par texto un message d'alerte du gouvernement tandis que les sirènes retentissaient dans le nord du pays: «Tir de missile. Veuillez vous abriter» !

Le trafic ferroviaire a été temporairement suspendu. «Toutes les lignes sont perturbées. Motif: tir de missile balistique», pouvait-on lire à Sapporo, principale cité de l'île d'Hokkaido, dans le nord de l'archipel.

La dernière fois qu'un engin nord-coréen avait survolé le Japon remonte à 2009.

Le missile a été tiré de Sunan, près de Pyongyang, mardi à 5H57 et a survolé le Japon. L'engin a parcouru 2700 kilomètres à une altitude maximum d'environ 550 km avant de s'abîmer dans le Pacifique.

Selon le Pentagone, il s'agissait d'un missile à portée intermédiaire qui n'a pas menacé les États-Unis.

Les dernières sanctions prises début août, que le Conseil de sécurité demande notamment d'appliquer «strictement», concernent les exportations nord-coréennes de charbon, de fer et le secteur de la pêche.

Elles ont pour objectif de priver la Corée du Nord d'un milliard de recettes annuelles et avaient été décidées en réponse à des tirs en juillet de deux missiles intercontinentaux nord-coréens - un «cadeau» aux «salauds d'Américains», selon le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un.

Pyongyang a depuis menacé de tirer quatre missiles aux abords de l'île américaine de Guam. Pour Euan Graham, de l'Institut Lowy en Australie, un tir mardi vers Guam aurait été pour Washington «une ligne rouge» si bien que Pyongyang s'est montré «plutôt malin» et a choisi «une demi-mesure».