Pyongyang a tiré un missile balistique mardi au-dessus du Japon, une escalade majeure qui a alarmé la communauté internationale et suscité une réaction cinglante de Tokyo.

Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir en urgence mardi après-midi à la demande de Washington et Tokyo, le premier ministre japonais Shinzo Abe dénonçant une «menace grave et sans précédent».

Dans la première réaction de la Corée du Nord, son ambassadeur à l'ONU Han Tae-Song a invoqué le droit à «l'autodéfense» face aux «intentions hostiles» affichées par les États-Unis en participant à des manoeuvres avec Séoul.

«Tir de missile. Veuillez vous abriter»: des millions d'habitants du nord du Japon ont reçu mardi au réveil par texto un message du gouvernement, et les sirènes ont retenti dans le nord du pays.

Le trafic ferroviaire a été temporairement suspendu. «Toutes les lignes sont perturbées. Motif: tir de missile balistique», pouvait-on ainsi lire à Sapporo, principale cité de l'île d'Hokkaido, dans le nord de l'archipel.

La dernière fois qu'un engin nord-coréen avait survolé le Japon remonte à 2009. C'était un tir de satellite, assurait Pyongyang. Mais d'après Washington, Séoul et Tokyo, il s'agissait d'un test déguisé de missile intercontinental balistique (ICBM).

En revanche, c'est au grand jour que Pyongyang a mené le mois dernier deux tests d'ICBM qui semblent avoir mis une bonne partie du continent américain à sa portée.

Le président américain Donald Trump a alors promis de déchaîner «le feu et la colère» sur la Corée du Nord. Ce à quoi Pyongyang répliquait en promettant de tirer une salve de missiles à proximité de Guam, avant-poste stratégique de l'armée américaine dans le Pacifique.

Le dernier missile a été tiré de Sunan, près de Pyongyang, à 5h57 locales (16h57 à Montréal lundi), et a survolé le Japon, a expliqué l'état-major sud-coréen.

L'engin a parcouru 2700 kilomètres à une altitude maximum d'environ 550 km avant de s'abîmer dans le Pacifique. Il a été tiré vers l'est, et non en direction de Guam, à environ 3500 km de la Corée du Nord.

Énorme défi

M. Abe a dénoncé un «tir inacceptable» qui «nuit considérablement à la paix et la sécurité de la région», précisant que Tokyo avait protesté auprès de Pyongyang.

Le premier ministre a ajouté s'être entretenu avec M. Trump pendant 40 minutes au téléphone. Les deux alliés sont convenus, a-t-il dit, «d'augmenter la pression sur la Corée du Nord».

Mais la Chine, principal allié et partenaire commercial de la Corée du Nord, a appelé toutes les parties à la retenue. Si la situation est à un «tournant», «les pressions et les sanctions» contre Pyongyang «ne peuvent fondamentalement résoudre le problème», selon la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Hua Chunying.

La Russie s'est dite «extrêmement préoccupée», dénonçant une «tendance» à «l'escalade» des tensions.

Et la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, a exhorté Pyongyang à «s'abstenir de toute nouvelle action provocatrice».

Le Nord s'est vu infliger début août une septième volée de sanctions, visant à le priver d'un tiers de ses recettes d'exportations.

Tout missile lancé vers Guam survolerait le Japon et les analystes expliquent que ce dernier tir constitue un énorme défi à la fois pour Tokyo et Washington.

Lorsque le Nord avait tiré ses deux ICBM en juillet -- un «cadeau» aux «salauds d'Américains» selon le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un --, ceux-ci avaient adopté une trajectoire en cloche, permettant d'éviter le Japon.

Pyongyang avait semblé mettre sur pause son projet de tirer quatre missiles sur Guam, ce qui avait fait dire à M. Trump que le Nord commençait à «respecter» les États-Unis.

«Pas dégonflé»

«On aurait dit que la Corée du Nord avait reculé au jeu de qui est le plus fort», estime Cha Du-Hyeogn de l'Institut Asan des études politiques de Séoul. «Mais Pyongyang montre que ce n'est pas cela qui se passe. Il montre qu'il ne s'est pas dégonflé et que c'est Washington qui bluffe sans projet concret».

Pour Euan Graham, de l'Institut Lowy en Australie, un tir vers Guam aurait été pour Washington «une ligne rouge» si bien que Pyongyang s'est montré «plutôt malin» et a choisi «une demi-mesure».

Le Japon a affirmé par le passé qu'il détruirait en vol tout engin nord-coréen qui menacerait de frapper son territoire.

Mais il n'a rien fait de tel mardi. Selon les explications du ministre de la Défense Itsunori Onodera, Tokyo a estimé que le missile, qui a survolé Hokkaido pendant deux minutes, ne risquait pas de chuter sur son territoire.

«Aujourd'hui est un jour horrible pour le Japon», a estimé sur Twitter le commentateur spécialiste de sécurité Anki Panda. «Si la Corée du Nord ne juge pas intolérable le coût d'un survol du Japon, nous allons assister à de nouveaux tirs».

Pyongyang justifie ses ambitions militaires par la nécessité de se protéger des États-Unis. Ce tir, qui s'ajoute à ceux de trois engins de courte portée samedi, survient au même moment que les manoeuvres militaires conjointes annuelles menées par Séoul et Washington dans la péninsule, que Pyongyang voit comme la répétition d'une invasion.