La Corée du Nord a affirmé vendredi avoir réussi à tester une tête nucléaire susceptible d'équiper un missile, un cinquième essai dénoncé par Washington qui veut imposer « de nouvelles sanctions » à Pyongyang.

Ce test est le plus puissant jamais mené par le Nord, selon Séoul. Les ambitions nucléaires et balistiques de la Corée du Nord lui ont déjà valu de dures sanctions de l'ONU.

Dénonçant une « menace pour la paix internationale », le président américain Barack Obama a indiqué qu'il allait « travailler avec le Conseil de sécurité de l'ONU (...) et la communauté internationale pour mettre en place avec force les mesures existantes imposées dans des résolutions précédentes et pour prendre des mesures significatives supplémentaires, notamment de nouvelles sanctions ».

Une réunion du Conseil de sécurité, demandée par Washington et Tokyo, est prévue à 19 h GMT (15 h à Montréal).

D'après les médias officiels nord-coréens, ce dernier test a permis à Pyongyang d'atteindre une capacité de miniaturiser une ogive nucléaire afin de pouvoir la monter sur un missile.

« Nos scientifiques nucléaires ont mené un essai d'explosion nucléaire d'une tête nucléaire nouvellement mise au point, sur le site d'essais nucléaires dans le nord du pays », a déclaré une présentatrice à la télévision nord-coréenne.

Ce test a « confirmé la structure et les caractéristiques spécifiques d'une tête nucléaire qui a été standardisée de façon à pouvoir être montée sur des missiles balistiques stratégiques », selon l'agence KCNA.

« Une telle provocation va accélérer encore la voie vers son autodestruction » et l'essai témoigne de « l'inconscience maniaque » du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, a réagi la présidente sud-coréenne Park Geun-Hye.

Dans un communiqué, l'ambassade de Corée du Nord à Moscou a précisé que l'essai n'a abouti « à aucune fuite de substances radioactives » et qu'il n'y avait « pas d'impact négatif sur l'environnement ».

Recherche d'indices

Les premiers soupçons sur un nouvel essai ont été émis par des sismologues qui ont détecté un séisme de magnitude 5,3 près du principal site d'essais nucléaires, dans le nord-est du pays.

La secousse, survenue à 0 h 30 GMT (20 h 30 jeudi, heure de Montréal), a été signalée à proximité du site de Punggye-ri le jour anniversaire de la fondation de la Corée du Nord en 1948.

« Cette explosion de 10 kilotonnes, c'était presque deux fois plus que le quatrième essai nucléaire et légèrement moins que le bombardement d'Hiroshima, qui avait été mesuré à 15 kilotonnes environ », a expliqué Kim Nam-Wook de l'agence météorologique sud-coréenne.

Cet essai sera scruté de près par les experts qui chercheront à déterminer s'il a permis au Nord de réaliser de nouveaux progrès, et s'il s'agit d'une bombe atomique ou d'une bombe à hydrogène, bien plus puissante.

Les analystes penchent d'après les données préliminaires pour l'hypothèse d'un engin classique.

Si Pyongyang arrivait à fabriquer une bombe nucléaire suffisamment petite pour équiper un missile, et renforcer la précision, la portée et la capacité de ses vecteurs, elle se rapprocherait de son objectif maintes fois affiché: être capable d'atteindre des cibles américaines.

L'évaluation va être difficile, souligne cependant Melissa Hanham, experte à l'Institut Middlebury des études internationales. « Ce n'est pas vraiment possible pour nous de vérifier qu'il s'agissait d'une tête compacte à partir des données sismiques », dit-elle à l'AFP.

« Il faudrait la voir testée sur un missile comme l'avait fait la Chine dans les années 1960. Personne ne veut assister à ça. Il n'y a aucun moyen pour eux de faire ça de manière sûre, cela pourrait facilement déclencher une guerre ».

Le Japon a condamné un acte « absolument inacceptable » et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a parlé d'une opération « très préoccupante et regrettable ».

Envers et contre tous



Depuis son premier essai nucléaire de 2006, Pyongyang a essuyé cinq volées de sanctions du conseil de sécurité de l'ONU, mais refuse d'en rabattre.

La Chine, dont les Occidentaux attendent qu'elle ramène Pyongyang à la raison, «va se retrouver dans la position la plus délicate», a estimé Shunji Hiraiwa, professeur à l'Université Kwansei Gakuin et spécialiste de la Corée.

Lundi, le Nord avait lancé trois missiles balistiques alors que se tenait en Chine un sommet du G20.

Pékin a fait savoir qu'il «s'opposait fermement» au dernier essai nucléaire.

Mais les marges de manoeuvre chinoises sont limitées. La Chine cherche à éviter un effondrement du régime nord-coréen qui créerait une crise à sa frontière et ferait pencher la balance du pouvoir du côté américain.

L'Institut américano-coréen de l'université Johns Hopkins, qui avait signalé jeudi de «nouvelles activités» sur le site de Punggye-ri, a jugé que ce cinquième test signait «l'échec flagrant» de la stratégie de Washington et de Séoul pour réfréner les ardeurs militaires de la Corée du Nord.

«Personne ne devrait être surpris que la Corée du Nord continue de mener des essais nucléaires afin d'améliorer les capacités de son arsenal croissant. Personne ne devrait attendre de la Chine qu'elle résolve ce problème pour les États-Unis», a déclaré l'expert Joel Wit.

Pyongyang avait affirmé que son quatrième essai nucléaire, le 6 janvier, avait porté sur une bombe à hydrogène. Cette revendication avait été largement mise en doute par les spécialistes, l'énergie dégagée étant insuffisante.

La présentatrice des grands jours à la télé nord-coréenne

Émission spéciale avec la présentatrice des grands jours... Après un essai nucléaire, le rituel est toujours le même à la télévision d'État nord-coréenne, qui s'est enorgueillie vendredi du cinquième essai réussi du pays.

Portant sa traditionnelle robe coréenne rose et noire, la présentatrice chevronnée Ri Chun-hee est apparue, sans préavis, sur les écrans vers 13 h à Pyongyang (0 h 30, heure de Montréal).

Et c'est tout sourire qu'elle a annoncé aux téléspectateurs de KCTV - et au monde entier - que le dernier test avait permis au programme nucléaire du pays d'atteindre un « niveau supérieur ».

Ri a expliqué que cet essai avait permis de confirmer que le pays était capable de miniaturiser une ogive nucléaire de manière à pouvoir la monter sur un missile.

« La standardisation de l'ogive nucléaire permettra à la RPDC (Corée du Nord) de produire à volonté... une variété de petites ogives nucléaires plus légères, plus diversifiées et plus puissantes », a-t-elle énoncé de sa voix assurée.

La présentatrice vedette, qui a fait ses débuts dans les années 1970, ressort à chaque événement majeur. C'est elle qui avait été choisie pour annoncer la mort du fondateur du pays Kim Il-sung en 1994 tout comme celle de son fils Kim Jong-il en 2011.

Vendredi, pendant les trois minutes de flash suivi par un film de propagande sur la vie de Kim Il-sung, Ri a affirmé que la Corée du Nord était prête à « exercer des représailles contre ses ennemis ».

« Nous allons prendre des mesures supplémentaires pour renforcer la force nucléaire de l'État, quantitativement et qualitativement, pour conserver l'honneur et le droit à l'existence de la RPDC et une paix véritable face à la menace croissante de guerre nucléaire venant des États-Unis », a-t-elle conclu.

Ce bulletin a permis d'apporter une confirmation officielle de ce cinquième essai nucléaire de la Corée du Nord.

Il a été diffusé sur des écrans publics à Pyongyang.

Des habitants assis sur des bancs en béton dans la capitale étroitement contrôlée ont exprimé leur joie face à cet essai, dont ils estiment qu'il va rendre leur vie plus sûre.

« Nous ne nous inquiétons pas des provocations des ennemis », a dit à l'AFP un homme qui n'a pas divulgué son identité.

« Notre pays est prêt à rendre possible l'usage des armes nucléaires ».

En Corée du Nord, les gens n'expriment généralement que le point de vue officiel lorsqu'ils parlent à la presse étrangère.

Une femme a dit que le test aiderait la Corée du Nord à se défendre face à Washington.

« Les bâtards américains peuvent dire ceci ou cela, nous n'avons peur de rien, car notre puissance militaire s'est encore renforcée », a-t-elle dit.

La Corée du Nord répète souvent que les États-Unis sont sur le point de l'attaquer.