Les corridors sombres de l'hôpital public d'Amritsar donnent une idée de l'ampleur du fléau qui frappe cette ville du Pendjab. Les murs sont couverts d'affiches enjoignant aux futurs parents d'épargner leurs filles.

Ils doivent «célébrer leur naissance». Ils ont «le devoir moral de les nourrir et de les soigner». Ici, prévient-on, «le personnel ne procède à aucun test pour déterminer le sexe des foetus». Ces examens ont lieu ailleurs, toutefois. À grande échelle. Selon divers groupes militants, au moins huit millions de foetus féminins ont été éliminés en Inde depuis une décennie. Les cliniques d'échographie ont poussé comme des champignons en Inde ces dernières années. Elles sont partout, en ville comme sur les routes de campagne.

Près de 40 000 sont dûment enregistrées. Des milliers d'autres fonctionnent sans permis, prêtes à révéler le sexe du bébé pour quelques dollars, même si la loi indienne interdit l'avortement sexo-sélectif depuis 1994. Ces cliniques sont devenues le champ de bataille de ceux qui luttent contre l'avortement sélectif des foetus féminins. Le Dr Puneet Bedi est l'un d'eux. La préférence pour les garçons ne date pas d'hier en Inde, admet l'obstétricien.

Mais la sexo-sélection a longtemps été un phénomène relativement marginal. «Cela a changé avec les échographies. Cette technologie est devenue une arme de destruction massive. De quelques milliers de bébés filles tuées dans les années 70 et 80, nous sommes passés à l'éradication de millions de foetus féminins. Dans les moindres petits villages de l'Inde, là où il n'y a ni électricité ni eau courante, les gens ont accès à des machines à ultrasons. On les transporte dans des camionnettes, elles fonctionnent avec des batteries. C'est ce qui a mené à ce génocide.»