Emboîtant le pas à l'ONU, la France a donné mercredi son agrément à la nomination par Alassane Ouattara d'un nouvel ambassadeur ivoirien à Paris, Ali Coulibaly, au risque d'un nouvel accès de tension avec le camp du président sortant Laurent Gbagbo.

Cet agrément a été approuvé en Conseil des ministres, a annoncé dans la soirée la présidence française.

Ex-journaliste, Ali Coulibaly était jusqu'à ces derniers jours conseiller diplomatique de M. Ouattara.

Depuis l'élection présidentielle du 28 novembre et le refus de Laurent Gbagbo de céder son siège à Alassane Ouattara, reconnu comme vainqueur par la communauté internationale, la France a été plusieurs fois accusée d'«ingérence» ou de «complot» par le président sortant.

La France «s'ingère de la plus mauvaise manière. Toutes les résolutions qui ont lieu sur la Côte d'Ivoire à l'ONU, c'est la France qui écrit le «draft» (version préliminaire)», a encore dit fin décembre Laurent Gbagbo dans un entretien à la chaîne de télévision Euronews.

À la veille de Noël, l'Assemblée générale des Nations unies avait entériné la désignation par Alassane Ouattara d'un nouvel ambassadeur ivoirien, Youssouf Bamba. Peu après, la Belgique avait reconnu comme nouveau représentant ivoirien à Bruxelles une chargée d'affaires choisie aussi par M. Ouattara.

La fonction d'ambassadeur en France, ancienne puissance coloniale et partenaire économique essentiel, est un poste clé pour le pouvoir ivoirien.

Pour Paris, Ali Coulibaly remplace Pierre Kipré, un proche de Laurent Gbagbo.

Fin décembre, un groupe d'une trentaine de partisans d'Alassane Ouattara avait brièvement occupé l'ambassade ivoirienne à Paris. À leur sortie du bâtiment, ils avaient assuré avoir «juste décroché le portrait de Gbagbo».

Il y a quinze jours, le gouvernement de ce dernier avait menacé de renvoyer des ambassadeurs de pays qui mettraient fin à la mission de ses représentants pour reconnaître des personnalités choisies par Alassane Ouattara, voire même de rompre des relations diplomatiques avec ces États.

À Paris, la sérénité est toutefois de mise face à ces menaces. «Nous ne reconnaissons que le pouvoir de Alassane Ouattara et les décisions de Laurent Gbagbo sont donc sans conséquences», affirme-t-on au ministère français des Affaires étrangères.

La semaine dernière, le gouvernement de Laurent Gbagbo a annoncé le renvoi des ambassadeurs de Grande-Bretagne et du Canada, en application d'un «principe de réciprocité» après le retrait par ces deux pays d'accréditations d'ambassadeurs ivoiriens. Mesure qui avait été rejetée par Londres et Ottawa.

Selon Paris, l'ensemble des pays de l'Union européenne (UE) a décidé dès décembre de ne reconnaître que «les ambassadeurs nommés par le président Alassane Ouattara».

Depuis le début de la crise, la France, tout en manoeuvrant en coulisses, selon des sources diplomatiques, a adopté publiquement une posture officielle très prudente à l'égard de la Côte d'Ivoire.

À une exception près, lorsque le président Nicolas Sarkozy a adressé -en vain- un ultimatum à Laurent Gbagbo pour qu'il abandonne son poste.

Soucieuses de la sécurité de la très forte communauté française vivant en Côte d'Ivoire (15 000 personnes recensées au consulat dont plusieurs milliers ont quitté le pays depuis un mois à la faveur des fêtes de fin d'année), les autorités françaises n'ont appelé que tardivement leurs concitoyens à partir.

Depuis fin novembre, Paris n'a eu de cesse de s'abriter derrière les institutions africaines pour souligner qu'il leur appartenait en premier lieu d'agir pour tenter de mettre fin à la crise.