Six policiers et un civil ont été tués mercredi à Abidjan lors de nouveaux affrontements violents entre forces de l'ordre loyales à Laurent Gbagbo et habitants d'un quartier favorable à son rival Alassane Ouattara, les deux présidents proclamés de Côte d'Ivoire.

Six policiers ont été tués dans la nuit de mardi à mercredi, «attaqués» au lance-roquettes RPG 7, dans le quartier d'Abobo, a indiqué à l'AFP une source policière, sans préciser l'origine des tirs.

Un agent de sécurité a également été tué et son corps gisait sur le toit d'une maison, ont constaté des journalistes de l'AFP. Selon des habitants, l'homme, travaillant dans une agence bancaire, s'était réfugié sur le toit quand il y a eu des tirs et a été atteint par une balle.

La nuit précédente dans ce même quartier, deux civils et deux membres des Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à M. Gbagbo avaient été tués lors d'affrontements entre FDS et habitants.

Ces violences illustrent un peu plus la persistance de la crise dans laquelle la Côte d'Ivoire est plongée depuis l'élection présidentielle du 28 novembre, pour laquelle le président sortant Laurent Gbagbo et son rival Alassane Ouattara revendiquent chacun la victoire.

Elles interviennent alors qu'une nouvelle médiation africaine est attendue d'ici la fin de la semaine à Abidjan pour tenter de lever le blocage, avec la venue du premier ministre kényan Raila Odinga, après l'ex-président nigérian Olusegun Obasanjo le week-end dernier.

La crise postélectorale a fait environ 200 morts depuis la mi-décembre, selon l'ONU.

Mercredi, dans le quartier d'Abobo, des échanges de tirs «violents» ont été entendus entre minuit et 2h, ont déclaré à l'AFP des témoins. Des coups de feu sporadiques ont continué dans la matinée.

«Les enfants ont crié et pleuré toute la nuit, nous ne pouvions pas dormir, on a eu très peur», a dit à l'AFP un habitant.

«Nous, on n'a pas d'armée, l'armée de Gbagbo vient ici et tire sur les gens et on n'a pas de quoi se protéger», a déclaré un autre témoin, sous couvert d'anonymat.

La situation était tendue, les environs de la gare d'Abobo étant bloqués par de petites barricades faites notamment de tables en bois. Elles ont été érigées par des jeunes qui les ont ensuite abandonnées.

Quatre véhicules calcinés, dont deux camionnettes utilisées pour le transport des forces de sécurité, gisaient sur le bord d'une voie express.

Une patrouille des forces de sécurité a tiré en l'air pour disperser des jeunes à son arrivée sur cet axe où aucun véhicule ne circulait, a constaté un photographe de l'AFP.

La nuit précédente, les FDS avaient investi ce même quartier en nombre à bord de camionnettes et de véhicules de transport blindés, et avaient longuement échangé des tirs avec des habitants, selon des témoins.

Charles Blé Goudé, chef des «jeunes patriotes» pro-Gbagbo, avait dû annuler un meeting prévu le jour même à Abobo.

Couvre-feu instauré dans des quartiers pro-Ouattara

Un couvre-feu a été instauré mercredi soir dans des quartiers d'Abidjan après des affrontements qui ont fait en deux nuits au moins onze tués, dont huit parmi les forces de l'ordre, nouvel accès de violences dans une crise politique ivoirienne toujours sans issue.

Le couvre-feu a été «institué dans les communes d'Abobo et d'Anyama» de 19h00 à 06h00 (heures locales; de 14h00 à 02h00, heure de Montréal) et sera en vigueur jusqu'à vendredi, selon un décret du président sortant Laurent Gbagbo, lu à la télévision publique ivoirienne.

Fief d'Alassane Ouattara, rival de M. Gbagbo pour la présidence, Abobo (nord d'Abidjan) a été ces deux dernières nuits le théâtre de violents affrontements entre des éléments armés et des membres des Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à M. Gbagbo.

M. Ouattara est également fortement implanté dans le quartier voisin d'Anyama.

Le chef d'état-major des FDS a accusé le camp Ouattara d'être à l'origine de ces «attaques armées assimilées à des actes de guerre», qui placent ses forces en position de «légitime défense».

La communauté internationale, Nations unies en tête, appelle Laurent Gbagbo à céder le pouvoir à Alassane Ouattara, qu'elle considère comme le chef d'État légitime.

M. Gbagbo est sous la menace d'une opération militaire, actuellement en préparation au niveau de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), s'il ne quitte pas le palais présidentiel.

Mais ni le président sortant ni M. Ouattara n'ont jusqu'à présent montré qu'ils entendaient céder un pouce de terrain, et la prochaine mission de M. Odinga paraissait quasi-impossible.