Alassane Ouattara, reconnu président ivoirien par la communauté internationale, a prôné jeudi une action commando «non violente» de l'Afrique de l'Ouest pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir et «l'emmener ailleurs».

«S'il s'entête, il appartient à la Cédéao (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) de prendre des mesures nécessaires et ces mesures peuvent inclure la force légitime», a-t-il dit lors d'une conférence de presse à son quartier général du Golf hôtel d'Abidjan, soumis à un blocus des forces fidèles au régime.

Après une nouvelle médiation infructueuse mardi, l'organisation ouest-africaine a brandi de nouveau la menace d'une opération militaire pour obtenir le départ du président sortant et résoudre la grave crise née de l'élection du 28 novembre.

Une intervention armée est en préparation mais cette entreprise à hauts risques reste un «dernier recours».

«La force légitime ne veut pas dire une force contre les Ivoiriens. C'est une force pour enlever Laurent Gbagbo et cela a été fait ailleurs, en Afrique comme en Amérique latine», a expliqué M. Ouattara. «Il y a des opérations spéciales non violentes qui permettent tout simplement de prendre la personne indésirable et de l'emmener ailleurs».

«Laurent Gbagbo partira avant la fin du mois de janvier», a-t-il encore assuré. «J'ai toute une série de mesures en cours qui vont faire qu'il va tomber comme un fruit, pas mûr, mais comme un fruit pourri», a-t-il lancé, sans en dire davantage sur ces «mesures».

Retranché dans son quartier général alors que son adversaire est installé au palais présidentiel et contrôle l'armée et l'administration, M. Ouattara multiplie ces derniers jours les prises de parole après avoir été longtemps quasi-muet durant la crise.

Et s'il dit préférer une «solution pacifique», il use d'un style agressif qu'il laissait jusque-là à son Premier ministre Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN).

Fustigeant un Gbagbo «hors-la-loi», il a dit le rendre «responsable de tous (les) crimes» et «assassinats» qui ont marqué ces semaines de tourmente.

Fin décembre, le gouvernement Gbagbo, dont les Forces de défense et de sécurité (FDS) ont été mises en cause de façon répétée par l'ONU, avait fait état de 53 morts depuis le scrutin, dont 14 parmi les FDS.

Mais pour les Nations unies le bilan depuis mi-décembre atteint 210 morts, avec 31 décès dans la semaine écoulée, notamment lors d'affrontements entre communautés dans l'ouest.

À Duékoué, à quelque 500 km à l'ouest d'Abidjan, des violences entre ethnies guéré et malinké ont fait 14 tués, a dit jeudi Simon Munzu, chef de la division des droits de l'Homme de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI).

«Ce qui s'est passé à Duékoué est le reflet de la tendance vers des tensions, des violences intercommunautaires», a-t-il ajouté, soulignant qu'«il y a toujours eu» de telles tensions, en particulier dans cette région peuplée d'ethnies diverses et d'étrangers.

Interrogé par l'AFP par téléphone, le docteur Moïse Téki, de l'hopital de Duékoué, a fait état de «41 personnes blessées par balles ou par armes blanches». «Le calme est revenu, mais la tension persiste».

Dans ce contexte de violences, l'impasse politique reste complète, illustrée par le discours offensif de M. Ouattara comme par le maintien du blocus du Golf hôtel.

Un blocus que M. Gbagbo ne compte pas lever tant que les éléments FN qui protègent son rival n'ont pas quitté les lieux, a prévenu son ministre des Affaires étrangères, Alcide Djédjé.

Ce proche de M. Gbagbo a écarté toute offre d'«amnistie» au président sortant en échange de son départ, évoquée par la médiation africaine, et repoussé l'idée d'un exil aux États-Unis: «le président Gbagbo n'a pas besoin d'aller à Washington, il est bien là où il est, il restera là où il est».