Les risques d'affrontement sont relancés en Côte d'Ivoire où les partisans de Laurent Gbagbo ont menacé de prendre d'assaut à «mains nues» le QG de son rival Alassane Ouattara à Abidjan, en pleines négociations ouest-africaines pour tenter de résoudre pacifiquement la crise.

À peine venait-il de reporter un grand rassemblement prévu mercredi pour «donner sa chance» à la diplomatie menée par les voisins de la Côte d'Ivoire, que Charles Blé Goudé, leader des «jeunes patriotes» pro-Gbagbo, revenait à la charge en annonçant la «libération» prochaine de l'hôtel qui sert de quartier général au camp Ouattara.

Cet assaut de ses partisans «à mains nues» est prévu après le 1er janvier sur l'hôtel du Golf.

Cet établissement de luxe, soumis à une blocus de l'armée pro-Gbagbo, est protégé par 800 Casques bleus de la mission de l'ONU (ONUCI) et des éléments de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) dirigée par le Premier ministre de Ouattara, Guillaume Soro.

«Le peuple de Côte d'Ivoire est fatigué de ses voisins encombrants de la 'république hôtelière du Golf'! Chaque jour, Guillaume Soro et son armée nous menacent et nous narguent», a justifié Blé Goudé.

L'arrivée au «Golf» de milliers de partisans de Gbagbo où ils seront confrontés aux blindés de l'ONUCI est potentiellement explosive, d'autant que la mission de l'ONU est considérée par le camp Gbagbo comme une force alliée à Ouattara, reconnu président à l'extérieur.

«C'est de la provocation, c'est un prétexte qu'ils cherchent pour créer un incident», a déclaré jeudi à l'AFP Anne Ouloto, porte-parole de Ouattara.

Un des plus hauts responsables des Nations unies en visite à Abidjan, Alain Le Roy, a dénoncé les «appels à la haine» contre l'ONUCI véhiculés par la télévision d'État RTI contrôlée par le régime Gbagbo.

La mission onusienne a déjà subi récemment plusieurs incidents, dont un au cours duquel un soldat a été blessé à la machette et un véhicule incendié à Abidjan.

L'appel de Blé Goudé survient au moment où trois chefs d'État de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), qui a menacé de renverser Gbagbo par la force, tentent d'éviter cette option par le dialogue.

Après une mission mardi à Abidjan, les présidents Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra leone) et Pedro Pires (Cap-Vert), mandatés par la Cédéao, doivent revenir lundi après avoir rendu compte de leurs premiers entretiens avec Gbagbo et Ouattara à Goodluck Jonathan, chef d'État nigérian et président en exercice de l'organisation.

L'option militaire reste toutefois sur la table et les chefs d'état-major de la CÉDÉAO se sont réunis à Abuja pour étudier «la logistique» nécessaire à une éventuelle intervention.

Ouattara «continue de faire confiance à la CÉDÉAO, mais il faut qu'elle soit ferme» et que la nouvelle visite des trois présidents lundi à Abidjan «soit vraiment l'ultime démarche», a averti sa porte-parole.

Le camp Ouattara qui, plutôt démuni à l'intérieur, gagne du terrain sur le plan diplomatique avec la reconnaissance d'ambassadeurs qu'il a désignés, en appelle à la communauté internationale pour éviter ce qu'il nomme «un génocide».

Les violences ayant suivi la présidentielle du 28 novembre ont fait au moins 173 morts autour de la mi-décembre, selon l'ONU, 53 selon les pro-Gbagbo, dont 14 parmi les éléments armés qui lui sont favorables.

Signe de l'inquiétude que la situation inspire, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a lancé un appel d'urgence de plus d'un million d'euros pour renforcer l'assistance aux quelque 20 000 réfugiés fuyant ces violences.

Isolé sur le plan international, Gbagbo peut se réjouir de l'arrivée jeudi matin à Abidjan de deux soutiens: l'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères Roland Dumas et Jacques Vergès, des avocats français qui n'ont pas tardé à s'en prendre à l'ex-puissance coloniale, accusée d'ingérence.

«Le temps de la colonisation» est «terminé», a déclaré sur la chaîne française I-Télé Me Vergès.