Laurent Gbagbo, l'un des deux présidents proclamés de Côte d'Ivoire, a dénoncé dimanche «un complot» de Paris et Washington contre lui, tandis que le camp de son rival Alassane Ouattara a appelé à une grève générale à partir de lundi jusqu'à son départ du pouvoir.

Dans une interview accordée au quotidien français Le Figaro, Gbagbo dénonce l'action des ambassadeurs de France et des États-Unis à Abidjan dans les jours qui ont suivi l'élection du 28 novembre.

«Ils sont allés chercher Youssouf Bakayoko, le président de la Commission électorale indépendante, pour le conduire à l'hôtel du Golf qui est le quartier général de mon adversaire», a accusé Gbagbo.

«Là-bas (...) on apprend qu'il a dit à une télévision que mon adversaire est élu. Pendant ce temps-là, le Conseil constitutionnel travaille et dit que Laurent Gbagbo est élu». «À partir de là, Français et Américains disent que c'est Alassane Ouattara (qui a remporté le scrutin, ndlr). C'est tout ça que l'on appelle un complot».

Gbagbo a également déclaré qu'il prenait «au sérieux» les menaces de la Communauté économique des États d'Afrique de l'ouest (Cédéao) de le renverser militairement s'il ne se retirait pas de lui-même pour céder la place à Ouattara. Son gouvernement a averti des risques de «guerre civile» en cas d'opération militaire.

Peu avant la publication de ces déclarations, la coalition de partis soutenant Ouattara, le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) avait appelé, à partir de lundi, à «cesser les activités jusqu'au départ du pouvoir de Laurent Gbagbo».

Cette demande relaie «un appel à la désobéissance» lancé le 21 décembre par Guillaume Soro, Premier ministre de Ouattara, qui avait été peu suivi.

Dans le même temps, l'avion de l'État ivoirien utilisé jusqu'alors par Gbagbo a été bloqué à l'aéroport franco-suisse de Bâle-Mulhouse, à la demande, selon Paris, des «autorités légitimes» de Côte d'Ivoire, c'est-à-dire le camp Ouattara reconnu président par presque toute la communauté internationale.

Une mission de la Cédéao dirigée par les présidents Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra Leone) et Pedro Pires (Cap-Vert) est attendue mardi à Abidjan. Ils présenteront à Gbagbo «le message» de la Cédéao, en privilégiant «une sortie de crise par le dialogue», selon le Bénin.

Ils seront accueillis «en amis, en frères», a affirmé dimanche Emile Guiriéoulou, ministre de l'Intérieur de Gbagbo.

La Maison Blanche a répété qu'elle soutenait le rôle de la Cedeao dans la crise ivoirienne et à nouveau exigé de Gbagbo qu'il renonce au pouvoir.

Un refus de sa part de laisser la place à Ouattara ne pourra que radicaliser les positions de chacun, avec le risque d'une explosion de violences pires que celles dénoncées par l'ONU qui a parlé de 173 morts du 16 au 21 décembre.

Selon l'ONU, ces violences ont essentiellement pour origine un usage «excessif» de la force par les éléments armés restés loyaux à Gbagbo contre ses opposants ou supposés tels.

Les chiffres de l'ONU ont été contestés par Emile Guiriéoulou, selon lequel les violences ont fait depuis fin novembre 53 morts, dont 14 parmi les forces de l'ordre.

Presque seul contre tous, Gbagbo, soumis avec ses proches à des sanctions internationales, peut encore compter à l'extérieur sur le soutien de son fidèle allié angolais, qui a démenti toutefois la présence de soldats en Côte d'Ivoire.

À l'intérieur, l'un des plus fidèles reste Charles Blé Goudé, leader des «jeunes patriotes» qui mobilise ses militants en vue d'un immense rassemblement mercredi à Abidjan pour la défense de «la dignité et de la souveraineté» de son pays.

Les craintes de nouvelles violences poussent de plus en plus d'Ivoiriens à quitter leur pays. 14 000 l'ont déjà fait selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) qui a accusé l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui soutient Ouattara de les empêcher de partir, ce que les FN ont démenti.

Selon le gouvernement Gbagbo, ces Ivoiriens fuient «les exactions» commises dans les zones du nord du pays tenues par les FN.