Le camp d'Alassane Ouattara, l'un des deux présidents ivoiriens proclamés, a appelé mardi ses partisans à marcher sur la télévision d'Etat jeudi et à l'aider ensuite à prendre le contrôle du siège du gouvernement, au risque d'un affrontement avec les forces de Laurent Gbagbo.

La pression internationale s'est encore accrue sur le chef de l'État sortant, l'Union européenne annonçant qu'elle allait prendre des sanctions - gel de leurs avoirs et interdiction de voyager - à l'encontre de onze proches de M. Gbagbo.

Parmi eux figurent Kadet Bertin, son conseiller pour la sécurité, le secrétaire général de la présidence Desiré Tagro, le président du Conseil constitutionnel Paul Yao N'Dré et des responsables militaires.

Désigné vainqueur de la présidentielle du 28 novembre par la commission électorale et reconnu président légitime par la communauté internationale, Alassane Ouattara veut se saisir de leviers actuellement aux mains de Laurent Gbagbo, proclamé président par le Conseil constitutionnel.

Pour l'aider à y parvenir, la coalition de partis qui le soutient, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a appelé les Ivoiriens «à accompagner massivement le gouvernement jeudi à la RTI (radio-télévision) en vue d'installer» son nouveau nouveau directeur.

Il leur a aussi demandé d'«accompagner» vendredi, jusqu'au siège du gouvernement dans le centre d'Abidjan, le cabinet Ouattara dirigé par Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui tient le nord du pays depuis le putsch raté de 2002.

Le temps presse pour Alassane Ouattara, retranché dans un grand hôtel d'Abidjan avec son gouvernement, tandis que M. Gbagbo siège au palais présidentiel et que son Premier ministre Aké N'Gbo travaille à la Primature.

En appelant ses partisans à marcher sur la RTI et le siège du gouvernement, lieux stratégiques sous bonne garde des Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à son adversaire, le camp Ouattara prend le risque d'une confrontation violente.

Le porte-parole du gouvernement Ouattara, Patrick Achi, a assuré pourtant que la marche étant «officielle, légale», elle «devrait être encadrée pacifiquement».

«Ca ne se fera pas», a sèchement répliqué Alcide Djédjé, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Gbagbo, tout en assurant que le régime était «en train de faire en sorte qu'il n'y ait pas de nouvelles violences en Côte d'Ivoire».

Plusieurs centaines de militants pro-Ouattara venus du nord, fief de leur champion, ont cependant été dispersés à l'aide de gaz lacrymogènes mardi en fin de journée par les FDS à Tiébissou, en zone sud (à environ 300 km au nord d'Abidjan), ont indiqué des témoins.

Plusieurs militants ont été blessés dans la bousculade qui a suivi, selon certains d'entre eux, qui ont fait état d'arrestations dans leurs rangs.

Alcide Djédjé a par ailleurs annoncé dans un entretien à l'AFP la venue «très bientôt» de médiateurs africains pour essayer de dénouer la crise, après l'échec d'une première tentative de l'ex-président sud-africain Thabo Mbeki. «L'heure est à la médiation», a-t-il assuré.

Mais côté Ouattara on a de nouveau exclu toute «négociation» tant que celui-ci n'est pas reconnu comme président.

La crainte de violences continuait de provoquer des mouvements de populations.

Depuis la présidentielle, quelque 3700 habitants de l'ouest ivoirien ont fui pour rejoindre essentiellement le Liberia mais aussi la Guinée, selon un nouveau bilan du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR).