La pression internationale est montée lundi pour que la crise en Côte d'Ivoire, déchirée entre deux présidents proclamés, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, soit résolue au plus vite, tandis que l'ONU a annoncé le retrait d'une partie de ses effectifs.

«Du fait de la situation sur le plan sécuritaire», les Nations unies ont décidé de retirer leur personnel non essentiel, soit 460 personnes, a indiqué un porte-parole. La mission de l'ONU dans le pays compte plus de 10 000 Casques bleus, policiers et employés civils.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon demeurait «profondément préoccupé» par la crise.

Au moins 20 personnes ont été tuées par balles depuis le second tour de la présidentielle le 28 novembre, à Abidjan et dans l'ouest notamment, a annoncé Amnesty International, appelant l'Union africaine et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) à «empêcher une escalade de la violence».

Autre signe que la tension restait forte: le couvre-feu nocturne qui devait s'achever ce lundi, tout en étant allégé de quelques heures, a été prolongé d'une semaine par le sortant Laurent Gbagbo.

Interrogé par la radio française Europe 1 sur le fait de savoir s'il était prêt à «déloger» ce dernier, le Premier ministre d'Alassane Ouattara, Guillaume Soro, n'a pas exclu une confrontation.

«S'il nous oblige, on n'aura pas d'autre choix», a averti M. Soro, également ministre de la Défense, tout en plaidant pour une issue pacifique.

Alors que l'Union européenne faisait planer la menace de sanctions, la France a appelé à «une transition ordonnée, sereine et digne».

Dépêché dimanche par l'Union africaine pour tenter une médiation, l'ex-chef d'Etat sud-africain Thabo Mbeki a exhorté les dirigeants ivoiriens à faire «tout leur possible» pour «préserver la paix», après une nouvelle rencontre avec M. Gbagbo. Il a quitté le pays en fin de journée.

La déchirure s'aggravait entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, qui ont chacun nommé un Premier ministre.

Reconduit par M. Ouattara au poste de Premier ministre qu'il occupait depuis 2007 sous la présidence Gbagbo, M. Soro, leader de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui tient le nord depuis le coup d'Etat manqué de 2002, a réuni lundi son gouvernement.

En l'absence d'Alassane Ouattara, la réunion s'est tenue dans le grand hôtel où les deux hommes ont établi leurs quartiers, sous la protection de la mission onusienne et d'éléments FN.

Fort du soutien de la communauté internationale, ONU en tête, qui le reconnaît comme seul légitime, l'ex-Premier ministre Ouattara n'entend pas renoncer à la victoire qui lui était promise par les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI), le donnant en tête avec 54,1% des suffrages.

Mais M. Gbagbo, au pouvoir depuis dix ans, a ensuite été proclamé vainqueur par un Conseil constitutionnel acquis à sa cause, avec 51,45% des suffrages, moyennant l'invalidation de votes dans le nord.

Il a à son tour nommé dimanche soir son Premier ministre, l'universitaire et économiste Gilbert Marie N'gbo Aké.

La Cédéao doit tenir un sommet mardi à Abuja auquel, selon un porte-parole, aucun dirigeant ivoirien n'a été convié. M. Gbagbo a envoyé lundi des émissaires en tournée dans la sous-région.

Le monde entier redoute un nouveau cycle de violences après de nouveaux incidents meurtriers ces derniers jours.

Lundi matin, des jeunes pro-Ouattara ont encore manifesté dans des quartiers populaires d'Abidjan, mettant le feu à des pneus et érigeant des barricades.

Seule bonne nouvelle pour les Ivoiriens: les frontières, notamment aériennes, fermées depuis jeudi par l'armée régulière dans la zone sud qu'elle contrôle, ont été rouvertes lundi.

A l'étranger, la crise inspire toujours une «grande inquiétude», selon l'expression employée par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, qui s'interrogeaient sur la poursuite de leur aide.

France Télécom-Orange a décidé de rapatrier ses salariés français ou binationaux non indispensables ainsi que leurs familles, soit une vingtaine de personnes.