Construction de nouveaux quartiers généraux de la police et d'une académie nationale, achat de nouvelles voitures de patrouille et formation des agents: la sécurité est au coeur des projets de l'aide canadienne en Haïti. Or, les projets d'envergure tardent à se concrétiser, selon ce qu'a appris La Presse.

Trois mois après le tremblement de terre, la ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, s'était rendue en Haïti pour annoncer les détails de la participation du Canada à la reconstruction. La ministre avait alors insisté sur l'importance de la construction de l'Académie nationale de police, pour laquelle le Canada débourserait 18,1 millions de dollars.

Or, cette annonce n'était pas nouvelle. La construction de l'Académie de police était déjà prévue dans le programme quinquennal (2006-2011) de l'Agence canadienne de développement international pour Haïti, qui totalise 555 millions de dollars.

«Le projet de l'Académie de police prend beaucoup de temps à se concrétiser. Les travaux auraient dû commencer il y a environ deux ans. Il devait y avoir la visite d'un ministre, qui a été annulée», a affirmé à La Presse Mario Andrésol, directeur général de la Police nationale d'Haïti.

Depuis un an, seulement six appels d'offres ont été lancés pour le compte du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada dans le cadre des activités du Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction d'Haïti, selon la liste des projets qui nous a été fournie.

Tous sont liés au renforcement de la police haïtienne. La moitié d'entre eux ont été annulés ou reportés. On en est à prélever et analyser des échantillons de sol sur le terrain des futurs bâtiments de la police, lit-on dans un document de la Corporation commerciale canadienne que nous avons consulté. Cet organisme est chargé d'attribuer des contrats internationaux pour le compte du ministère des Affaires étrangères.

La «présélection» des fournisseurs pour la construction des nouveaux quartiers généraux est prévue pour le mois prochain. Une fois que la Corporation aura sélectionné un entrepreneur, la construction devrait prendre d'un an et demi à deux ans. Le gouvernement canadien a aussi eu de la difficulté à trouver des entreprises capables de fournir des véhicules de patrouille et leur équipement.

Situation «plus ou moins» sous contrôle

Dans les mois qui ont précédé le séisme, Haïti montrait des signes encourageants de stabilité, notamment grâce à la présence des Casques bleus de l'ONU. Le nombre d'enlèvements avait diminué et les principaux chefs de gang étaient derrière les barreaux. Or, quelques milliers de criminels se sont évadés lors du tremblement de terre du 12 janvier, ce qui a fait craindre le pire.

À Port-au-Prince, 80% du secteur de la justice a été «affecté» par le séisme, lit-on dans le Plan d'action pour le relèvement et le développement national d'Haïti, préparé par le gouvernement haïtien. Alors qu'Haïti manquait déjà cruellement d'agents formés et compétents, quelque 500 policiers sont morts, ont disparu ou ont été blessés lors du séisme. D'ici à 2015, la Police nationale espère compter 16 000 policiers dans ses rangs, soit quelque 7000 agents de plus qu'à l'heure actuelle.

Le chef Andrésol affirme aujourd'hui que la situation est «plus ou moins» stabilisée. La Police nationale, avec le soutien des Casques bleus, a remis derrière les barreaux environ 1000 évadés. Dans certains secteurs du centre-ville, où les décombres n'ont pas été enlevés, il est encore très difficile de patrouiller, et des commissariats logeaient toujours sous la tente encore la semaine dernière, rappelle-t-il.

Des voitures de patrouille en prévision de l'élection

Six mois après le séisme, le gouvernement canadien a de nouveau insisté sur l'importance d'aider la police haïtienne. Il a promis une centaine de véhicules de patrouille et des salles de classe mobiles pour former de nouveaux agents. La moitié des véhicules ont finalement été livrés un peu avant le premier tour de l'élection présidentielle, à la fin du mois de novembre. On vient de livrer l'autre moitié.

«L'aide du Canada est essentielle, insiste le chef Andrésol. Malgré certains retards, les Canadiens ont concrétisé beaucoup de promesses. Haïti doit avoir une police bien structurée et bien équipée. Malheureusement, nos moyens financiers ne nous permettent pas d'avoir tout ce qu'un corps policier doit avoir.»

De son côté, la Corporation commerciale canadienne reconnaît que deux de ses appels d'offres, notamment pour la construction des quartiers généraux, ont été retardés. Sa porte-parole, Lina Seto, souligne que les achats faits pour les projets du Canada en Haïti sont réalisés «au moyen d'un processus de mise en concurrence ouvert, transparent et juste». «La Corporation demeure sensible aux besoins du gouvernement d'Haïti et du gouvernement du Canada, et s'efforce d'obtenir la meilleure solution possible de manière opportune, souple et rentable», a-t-elle expliqué.