Une organisation réclamant plus de transparence dans la procédure judiciaire engagée contre Bradley Manning a rendu public mardi l'enregistrement interdit du témoignage du soldat accusé de l'une des plus importantes fuites de documents confidentiels américains.

L'accusé, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité devant une cour martiale pour collusion avec l'ennemi, a pris la parole à deux reprises devant la justice: le 29 novembre 2012 pour parler de ses conditions de détention, et le 28 février pour expliquer ses motivations. C'est ce dernier témoignage qui a été dévoilé mardi et qui permet au public d'entendre pour la première fois la voix du soldat de 25 ans.

L'interdiction d'enregistrer les échanges ou de prendre des photos est rappelée, à chaque audience sur la base militaire de Fort Meade, aux journalistes couvrant les débats. C'est donc un enregistrement clandestin que la Fondation pour la liberté de la presse (FPF) a rendu public sur son site internet.

«Nous espérons que cet enregistrement mettra les projecteurs sur l'un des procès les plus secrets de l'histoire récente», écrit la FPF dans un communiqué. «Nous voulons être sûrs que la voix de celui qui a dénoncé le plus d'informations de sa génération puisse être entendue --littéralement-- par le monde entier».

«Le public ne sait presque rien de Manning: aucune retranscription officielle des audiences n'est publiée, et quand des documents comme les décisions de la juge sont rendus publics, ce n'est que des semaines plus tard et seulement en raison d'une plainte», a déclaré Daniel Ellsberg, connu pour avoir dévoilé des documents secrets du Pentagone au New York Times, il y a 42 ans. Il précise qu'en tant que civil, il avait été libéré sous caution et avait eu le droit d'expliquer ses motivations aux médias.

«Qui que ce soit, j'applaudis la personne qui a fait (l'enregistrement), c'est dans l'intérêt de l'ouverture, de la responsabilité et d'un procès juste», a-t-il dit à l'AFP. Mais il a estimé que l'armée ferait désormais tout son possible pour «empêcher tout autre enregistrement».

L'enregistrement publié mardi a été réalisé le 28 février pendant le témoignage d'une heure et demie de Bradley Manning, dans lequel l'ex-analyste de renseignement en Irak a expliqué pourquoi il est devenu la «taupe» de WikiLeaks en lui transmettant, entre novembre 2009 et mai 2010, des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan et 260 000 dépêches du département d'État.

Il a dit avoir transmis ces documents pour «provoquer un débat public» alors que les forces américaines étaient apparues à ses yeux «obsédées par la capture ou l'élimination de cibles humaines».

Son Réseau de soutien s'est félicité, dans un communiqué, de la sortie de l'enregistrement. «C'était incroyablement émouvant, assis dans la salle du tribunal, d'entendre Bradley expliquer avec ses propres mots pourquoi il a décidé de révéler via WikiLeaks les mauvaises actions du gouvernement. S'agissant d'un des plus importants procès actuels en Amérique, je suis heureuse que d'autres puissent l'entendre directement», a déclaré Emma Cape, responsable du Réseau de soutien de Bradley Manning.

L'acteur John Cusack, également fondateur de la FPF, a «espéré que cet enregistrement inspirerait une plus grande participation à un large mouvement pour rétablir et protéger le Premier amendement» de la Constitution sur la liberté d'expression.